vendredi, juillet 16, 2021

POISSON D'OR ( J.M.G. LE CLEZIO) 1997

 "Quem vel ximimati in ti teucucuitla michin." Ce proverbe nahuati pourrait se traduire ainsi: " Oh poisson, petit poisson d'or, prends garde à toi! Car il y a tant de lassos et de filets tendus pour toi dans ce monde. " Ce conte qu'on va lire suit les aventures d'un poisson d'or d 'Afrique du Nord, la jeune Laïla, volée, battue et rendue à moitié sourde à l'âge de six ans, et vendue à Lalla Asma qui est  pour elle à la fois sa grand'mère et sa maîtresse. A la mort de la vieille dame, huit ans plus tard, la grande porte de la maison du Mellah s'ouvre enfin et Leila doit affronter la vie, avec bonne humeur et détermination, pour réussir à aller jusqu'au bout du monde. 


La santé est une couronne sur la tête des gens bien portants que seuls les malades  voient" page 15

(Lalla Asma a eu une attaque cérébrale, elle ne parle plus, ne marche plus...) Une nuit tout allait   plus mal. Je ne me suis pas rendu compte tout de suite. ....Quand je me suis réveillée,  Zobra ( la fille de Lalla Asma) était à côté du lit, elle pleurait à haute voix. Tout à coup, elle m'a vue, et la colère  a tordu sa bouche. Elle m'a donné des coups avec tout ce qu'elle trouvait, une serviette-éponge, des revues, puis elle s'est déchaussée  pour me frapper et je me suis sauvée dans la cour. ...Puis, je le suis mise à courir dans les rues...C'est comme cela que j'ai quitté sans retour la maison de Mellah. Je n'avais rien, pas un sou, j'étais pieds nus  avec ma vieille robe...Page 28

Ma vie au foudouk ( chez Mme Jamila) s'organisé de façon remarquablement  calme et je peux dire, sans exagérer, que ce fut la période la plus heureuse de mon existence. ..Quand j'avais faim, je mangeais, quand j'avais sommeil, je dormais et quand je voulais sortir, ( ce que je faisais presque constamment ) - , je sortais sans avoir  à demander à qui que ce soit. la liberté parfaite dont je jouissais était  celle des femmes dont je partageais l'existence. ...Elles m'avaient adoptée, comme si j'étais leur fille , ou plutôt comme une poupée...Page 34

Mme Jamila savait tout ce qui se passait. Elle n'en  parlait pas, mais je voyais bien qu'elle n'était pas satisfaite...Elle voulait m'apprendre à écrire en arabe, elle avait des ambitions pour moi.  Mais je ne faisais  pas très attention à ce qu'elle voulait me dire. J'étais ivre de liberté , j'avais vécu  enfermée trop longtemps. J'étais prête  à me sauver si quelqu'un avait voulu me retenir. Page 36

Je n'avais aucune idée  de ce que  c'était un métier,  de ce qui était bien  et de ce qui était mal.je vivais comme un petit animal domestique, je trouvais bien ce qui me flattait et me caressait et mal tout ce qui  était dangereux et me faisait peur....Ce qui me faisait le plus peur, c' était la solitude. page 40

( Laïla a quatorze ans)  Je crois que je n'avais plus aucun sens de la mesure ou de l'autorité. Je risquais de lourds ennuis.  C'est durant cette époque  de ma vie que j'ai formé mon caractère, que je suis devenue inapte à toute forme de discipline, encline à ne suivre que mes désirs, et que  j'ai acquis un regard endurci. page 48

(Laïla a quitté  Mme Jamila) Pour la première fois, il me semblait que j'étais libre. je n'avais plus d'attaches, j'allais vers l'avenir. Je n'avais plus peur de la rue blanche et   du cri de l'oiseau, il n'y aurait plus jamais personne qui me jetterait dans un sac et me battrait. Mon enfance restait e l'autre côté de la rivière. page 66

Pour la première fois, j'ai eu envie de partir, très loin. Partir à la recherche de ma mère,  de ma  tribu, au pays des Hilal, derrière les montagnes. Mais je n'étais pas prête . page 82

( Après un voyage en bateau,  en car à travers l'Espagne, Laïla et ses compagnons ont traversé à pied la frontière entre l'Espagne et la France, en clandestins). On  a passé le col à la tombée de la nuit...J'ai dit à Houriya: " Regarde, c'est la France! C'est beau" Elle était très pâle. ..Je ne sais pas pourquoi , pour la première fois, j'ai pensé à mon pays, comme si c'était ici, dans cette vallée, que je m'en allais très loin, que je laissais tout derrière moi. Page 87

On s'asseyait dans les cafés et on parlait. Hakim  était grand et mince, toujours élégant dans son costume noir. Il racontait des choses étranges. Un  jour, il m'a apporté un petit livre usé qui avait été lu pares quantités de mains graisseuses., ça s'appelait Les Damnés de la Terre   et l'auteur s'appelait Frantz Fanon.. Hakim me l'a donné mystérieusement: " Lis-le, tu comprendras beaucoup de choses". Il n'a pas voulu me dire quoi. Il a seulement posé le livre sur la table du café devant moi. " Quand tu auras fini, tu pourras le donner à quelqu'un d'autre". J'ai mis le livre dans mon sac, sans chercher à savoir davantage. page 132 Un dimanche qu'il pleuvait, il m'a emmenée à la Porte Dorée, pour voir le musée des Arts africains. Page 133

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