mercredi, juillet 07, 2021

CE GENRE DE PETITES CHOSES ( Claire KEEGAN) 2020

 Ce Genre de Petites Choses. En cette fin d'année 1958, à New Ross, Bill Furlong, le marchand de bois et de charbon, a fort à faire. Aujourd'hui, à la tête de sa petite entreprise et père de famille, il a tracé seul sa route: élevé  dans la maison où sa mère, enceinte à quinze ans,  était domestique, il a eu plus de chance que d'autres enfants nés sans père. 

Trois jours avant Noël, il va livrer le couvent voisin. Le bruit court que les soeurs du Bon Pasteur y exploitent à des travaux de blanchisserie  des filles non mariées et qu'elles gagnent beaucoup d'argent en plaçant à l'étranger leurs enfants illégitimes. Même s'il n'est pas homme  à accorder de l'importance à la rumeur, Furlong se souvient d'une rencontre fortuite lors d'un précédent passage: en poussant une porte, il avait découvert des pensionnaires vêtues d'horribles uniformes, qui ciraient pieds nus le plancher. Troublé, il avait raconté la scène à son épouse, Eileen, qui sèchement lui avait répondu que de telles choses ne les concernaient pas.

Un avis qu'il a bien du mal à suivre parce froid matin de décembre, lorsqu'il reconnaît, dans la forme recroquevillée et grelottante au fond de la réserve à charbon, une très jeune femme qui y a probablement passé la nuit. Tandis que, dans son foyer et partout en ville, on s'active autour de la crèche et de la chorale, cet homme tranquille et généreux n'coute que son coeur.

Claire Keegan, avec une intensité et une finesse qui donnent tout son prix à la limpide beauté de ce récit, dessine le portait d'un héros ordinaire, un de ces êtres par nature conduits à prodiguer les bienfaits qu'ils ont reçus. 

Les temps étaient incertains, mais Furlong se sentait déterminé à continuer. Tout ce qu'il voulait, c'était garder une attitude discrète et conserver l'estime des gens, subvenir aux besoins de ses filles, les voir poursuivre et achever leurs études à St Margaret, le seul établissement secondaire convenable de la ville. page 21

(Il repense à un Noël quand il était enfant). Il avait écrit, du mieux qu'il pouvait, pour demander son papa ou alors un puzzle de cinq cents pièces représentant une ferme. Le matin de Noël, ..il était allé dehors jusqu'à l'étable, pour cacher sa déception et pleurer. Ni le bonhomme Noël, ni son père n'étaient venus. Et il n'y avait pas de puzzle. Il pensa aux choses que les  autres enfants avaient l'habitude de dire sur lui à l'école, aux insultes qu'il subissait, et, dans  son for intérieur, comprit que la raison en était là....Avant de regagner la maison, il s'était lavé la figure à l'abreuvoir, cassant la couche de glace et s'était forcé à plonger les mains dans le froid et les y avait laissées, pour détourner sa peine, jusqu'au moment où il n'avait plus le supporter. Où était son père maintenant?  Parfois, il se surprenait à examiner  des hommes plus âgés, à essayer de trouver une ressemblance physique, ou à guetter un indice dans les choses que les gens disent....page 28

Les religieuses du Bon Pasteur, responsables du couvent, dirigeaient aussi un école professionnelle pour les filles, l'équivalent du collège technique pour les garçons, leur apportant une formation de base - et géraient une florissante entreprise de blanchissage. On savait peu de choses du l'école professionnelle, mais la blanchisserie avait bonne réputation;: des restaurants et des pensions de famille, aussi loin que qu'Enniscorthy, la maison de retraite et l'hôpital et tous les prêtres et les riches  y envoyaient leur linge...Page 44....D'autres bruits couraient, aussi, sur l'endroit. Certains disaient que les filles de l'école professionnelle,  comme on les appelait, n'étudiaient  rien, mais étaient des filles de moralité douteuse qui passaient leurs journées à s'amender, à faire pénitence en nettoyant en permanence les taches sur le linge, qu'elles consacraient chaque jour, sans exception, de l'aube à la nuit, au travail....D'autres juraient que  cet endroit ne valait pas mieux qu'un foyer pour mères et bébés où des filles non mariées, entraient   pour être cachées jusqu'au jour de leur accouchement...que leurs enfants illégitimes étaient ensuite adoptés à l'extérieur, vendus à des Américains fortunés..., que les religieuses gagnaient beaucoup d'argent en plaçant ces bébés à l'étranger, que c'était une industrie qu'elles entretenaient. page 45

Dès qu'il eut débloqué le verrou, il sentit une présence à l'intérieur...Lorsqu'il braqua la lampe sur ce qui était là, il estima, à ce qu'il y avait par terre, que la fille à l'intérieur, avait passé la nuit ici, au minimum. ..." Tu n'as rien à craindre.....Dieu te protège, petite, Viens donc dehors d'ici. Lorsqu'il réussit à l'amener à l'extérieur et vit l'être qu'il avait devant lui - une fille tenant à peine sur ses jambes, aux cheveux mal coupés - la part ordinaire de lui-même se dit qu'il aurait préféré ne jamais s'approcher de ce lieu et tomber dessus. " ça va aller maintenant dit-il. Appuie -toi sur moi, d'accord? "page 65

(Furlong est chez lui et la famille prépare Noël) Une envie de fuir le saisit et il s'imagina dehors avec ses vieux vêtements, seul, à parcourir un long champ sombre, mais il ne bougea pas. page 85

( La patronne du restaurant) " Ce ne sont pas mes affaires, vous comprenez, mais vous devez surveiller ce que vous dîtes sur ce qui s'y trouve (au couvent) ...Ce ne sont pas mes oignons, mais les religieuses ont des intérêts partout. " Il recula alors   et lui fit face: " Assurément elles n'ont que le pouvoir que nous leur donnons, n'est-ce pas? Mrs Kehoe? -  Ne m'en voulez pas dit-elle, mais vous avez travaillé dur, exactement comme moi, pour arriver là où vous êtes aujourd'hui. N'avez-vous pas une superbe famille de filles? - et vous savez que seul un mur sépare cet endroit de St Margaret? ...Vous ne pouvez pas vous dresser  contre les unes sans  compromettre vos chances avec les autres. - Merci , Mrs Kelhoe; je vous suis reconnaissant de me l'avoir dit.  page 98

(Furlong va livrer du charbon au couvent et découvre la même fille que l'autre fois)  " Tu veux venir à la maison, Sarah?  page 108...Tandis qu'ils continuaient leur chemin, Furlong rencontra  des gens qu'il connaissait et côtoyait depuis des années, des gens qui s'arrêtaient volontiers pour bavarder jusqu'à ce que, baissant les yeux, ils remarquent les pieds nus, noircis, et se rendent compte que la fille n'était pas l'une des siennes.   Certains faisaient un grand détour ou parlaient d'un ton embarrassé ou lui souhaitent , poliment un joyeux Noël, et repartaient....Absolument personne ne s'adressa à la fille près de lui ni ne demanda où il l'emmenait....Furlong continua de marcher , la joie dans son coeur égalée par la crainte de ce qu'il ne distinguait pas encore mais à quoi il se heurterait, il le savait.  page 108

Le pire était à venir. Il le savait. déjà, il devinait l'océan de problèmes, l'attendant derrière la prochaine porte, mais le pire qui aurait pu se produite était derrière lui: la chose non faite, qui aurait pu l'être - avec quoi il aurait dû vivre jusqu'à la fin de ses jours...page 112


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