jeudi, août 11, 2022

DIX YUANS, UN KILO DE CONCOMBRES ( Celia LEVI) 2014

 Shanghaî aujourd'hui. Des laissés-pour-compte du "miracle économique chinois" tentent de survivre dans leurs logements insalubres , en attendant d'être expulsés par les promoteurs. Parmi eux, Xiao Fei épris de savoir et de tradition vivant dans la nostalgie de la grandeur passée de sa famille. Des Chinois lettrés qui avaient déjà tout perdu, une première fois, au moment de la Révolution Culturelle. Stoïque en apparence, mais chaque jour plus humilié par la situation des siens, Xiao Fei se réfugie dans des rêveries plus vaines les unes que les autres. Se remettre à la calligraphie. Devenir l'un de ces "dissidents" dont raffolent les médias occidentaux. Connaitre l'amour avec leur jeune cousine américaine, une fille d'expatriés revenue à Shanghaï pour y apprendre le chinois.  Pendant ce temps, la destruction fait rage autour d'eux. Leur misère s'accroît. Bientôt la solidarité entre voisins et parents ne suffira plus. Tout cède. Et le pire est encore à venir. 

" Je suis l'Histoire que les hommes ne voient pas, je suis la haine que chacun porte en soi, je suis les enfants qui rient au bord des sources claires et je suis ces vieux qui meurent dans les hospices. J'ai été engendré, j'ai engendré à mon tour, j'ai garanti le cycle funeste de la vie" page 11

Il passa devant une synagogue. Les juifs, comme nous, ils ont eu Hitler, nous avons eu Mao, ils ont dû se cacher, fuir leur patrie. ...Il se dit aussi  qu'un jour, il rentrerait dans la synagogue pour voir. page 19

Xiao Xiao , sans mépriser les paysans  et les ouvriers, considérait le travail intellectuel comme supérieur. page 30 

Il se montait la tête. Sa colère montait, il lui fallait un exutoire. C'était la nouvelle génération. Ils ne connaissaient rien. Ils n'avaient pas vécu la Révolution Culturelle, ils étaient gâtés, alors que lui n'avait rien eu, maintenant , c'était trop tard. Il était comme ces machines qu'on l'on jetait à la casse. Il n'avait aucune compétence, aucun diplôme. Il comprit qu'il ne s'appartenait pas, il faisait partie d'un tout, son pays, une structure sociale à l'intérieur de laquelle il devait exercer une fonction. page 37 

Le toit devait être réparé, la parquet aussi.  Une colonie de cafards s'était installée à l'endroit de la latte manquante.  Xiao Xiao ne trouvait jamais le temps ni le courage de remédier à cette situation.  IL hésitait toujours entre ces deux tâches ne sachant laquelle méritait la priorité. ...La maisonnée était en ébullition à l'approche du mariage de la collègue de Bei Bei...Le mariage aurait lieu dans un grand hôtel du Pudong. " le plus chic". Les parents de  Zhuang Jin s'étaient endettés pour participer aux frais du mariage.  Elle porterait trois robes, la première serait blanche, à l'occidentale, la deuxième violette piquée de diamants, et la troisième rouge , à la chinoise. page 51

On l'avait trop gâté et ce, depuis son  jeune âge. Il se rappelait que Vieux Père l'emmenait au parc en bicyclette, assis sur son guidon. Il lui offrait tout ce qu'il voulait et cédait à tous ses caprices. Maintenant, c'est un fainéant qui ne savait rien faire. page 68

XiaoXiao aimait les musées autant que les bibliothèques, il y éprouvait un sentiment  analogue à la légitimité et d'anonymat. Il savait que cet anonymat était sélectif, qu'étaient réunies dans ces lieux des personnes  de culture, qui avaient le loisir et la curiosité d'errer entre les vases, les statuettes, comme on chemine à travers les lignes d'un vieux manuscrit. Il se sentait à l'aise, il était  en terrain connu. page 85

La nuit,  il ne réussit ps à fermer l'œil.  Il se sentait inutile. page 95

Une lettre de la ville informait les habitants du lilong que des experts passeraient  dans la semaine  visiter leur appartement. Il n'était plus question des nouveaux logements...BeiBei commençait à s'inquiéter un peu, elle continuait malgré tout à plaisanter avec lui. Les experts vinrent avec des mètres et des instruments de mesure. Cela fit à tout le monde une grosse impression. On les chassait donc. page 150

es événements s'étaient précipités.  Il y avait des problèmes dans la construction des logements, un jour, c'était la conformité aux normes, un autre, de terrain à assainir. A la place, on leur proposait des indemnités ridicules qui s'étaient présentes comme mirobolantes: " le rachat d'une propriété qu'après tout vous n'avez pas acquise". L'avocat s'était soudainement volatilisé et on  n'arrivait pas à les expulser du quartier. ...On était allé se plaindre à la mairie. On leur répondait toujours la même chose: ' il faut accepte de partir".  pages 153, 154...Vers la fin du mois d'août, ils reçurent un courrier de mise en demeure. Ils devaient quitter le lilong avant le 1er  novembre. page 157

Xiao Xiao était pris d'abattement, les communistes  les avaient dépossédés de leur belle maison près du canal, maintenant , on leur retirait  jusqu'à leur humble appartement. page 158

Xiao Fei arriva à la conclusion que toutes les conditions avaient été réunies pour qu'il soit heureux et qu'il ne s'était pas rendu compte, qu'au lieu de travailler à la recherche du beau et du vrai, il avait perdu son temps. Il avait attendu le bonheur comme il attendait maintenant une intervention divine. Il avait confondu plaisir et bonheur . page 217



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