jeudi, mai 24, 2007

YOUSSOUF LE TACITURNE (Sabahattin Ali) roman turc

Ces arbres ridés, tordus,totalement déformés à force d 'être élagués tous les ans, étaient comme des lettres étranges d'une longue histoire écrite dans une langue que Youssouf semblait comprendre.
Youssouf comprenait également , et mieux que quiconque, la langue des ouvriers. Alors que certains propriétaires n'accordaient aux femmes pas même la permission d'allaiter les nourrisssons qu'elles avaient sur elles, Youssouf les envoyait se reposer dès qu'il les voyait un peu fatiguées. Tout en admettant que le sort de ces malheureuses était fixé par le destin, il avait terriblement pitié d'elles. Lorsque , au petit matin, il croisait dans les rues du bourg, ces cohortes d 'ouvriers au teint blafard, transis de froid, qui, un petit panier à provisions au bras et leurs enfants sur le dos, affluaient vers les oliveraies où ils travaillaient pour un salaire de famine, il avait parfois envie d'arrêter l'un d'eux et de lui parler; parler de la pluie et du beau temps, parler de n'importe quoi. Car depuis six ans, il n'avait encore rencontré personne qui parlât la même langue que lui, et il avait le vague sentiment que ces hommes et ces femmes auraient pu le comprendre

La prison , c'était pour les vagabonds, les paysans, les individus de basse classe.Le fils d'un Hilmi Bey, même s'il avait tué quelqu'un , ne pouvait être traité de la même façon que ces gens. En général, les fils de notables , fussent-ils condamnés à un epeine de quinze ans, partageaient leur temps entre la prison et leur domicile. Ils ne restaient derrière les barreaux que lorsqu'un inspecteur ou le gouverneur de la province venait en visite, ce qui se produisait très rarement.

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