lundi, janvier 21, 2008

LE CRI DE L'OISEAU ROUGE (Edwidge Danticat)

Dans les plantations de canne à sucre, les hommes coupaient les cannes au rythme de leurs chants. Une carriole surchargée s'appprocha de nous. Nous nous sommes écartées pour laisser passer les garçons qui la tiraient . Ils étaient torses nus, trempés de sueur, et seuls de vieux chapeaux de paille les protégeaient du soleil. page 36
La voiture éparpilla les voisins et les ouvriers de l'usine qui nous faisaient des signes d'adieu. Peut-être que si j'avais eu une vraie amie, mes yeux seraient restés rivés aux siens pendant que la voiture s'éloignait. Une poussière rouge s'éleva entre moi et la seule vie que j'avais connue. Il n'y avait pas d'enfants qui jouaient , pas de feuilles qui voletaient. Pas de jonquilles. page 47 (l'auteur quitte Haïti et va rejoindre sa mère à New York.)
(A la poste, à New York) Quand nous sommes parvenues au guichet, une dame joufflue salua poliment ma mère...La dame sourit en prenant l'enveloppe et l'argent. J'aurais voulu envoyer autre chose à Tante Atie. Si j'avais eu le pouvoir de rapetisser pour me glisser dans l'enveloppe, je n'aurais pas hésité. J'ai regardé la dame timbrer notre enveloppe et la poser sur d'autres. Les dizaines de personnes qui se trouvaient autour de nous mettaient tout leur amour dans des petits paquets qu'ils envoyaient au pays. (Haïti) page 69
Enfant, la mère que je m'étais inventée ressemblait à Erzul, la Sainte Mère généreuse. Elle soignait les maux de tous les hommes. Elle possédait de superbes robes en satin, en soie et en dentelle, des colliers, des pendentifs, des boucles d'oreille, des bracelets et des anneaux de chevilles et des tas de parfums français. Elle n'avait jamais eu besoin de travailler, parce que l'arc-en-ciel et les étoiles s'en chargeaient à sa place. Même si elle était loin, elle était près de moi. Je pouvais toujours compter sur elle, comme on compte sur le soleil au lever du jour. page 79
Tante Atie m'avait dit, un jour, que l'Amour c'est comme la pluie, ça commence parfois par une petite bruine, puis ça tombe à verse, et, si on n'y prend pas garde, ça vous inonde et vous noie. page 87
En Haïti, me dit-elle (sa mère), si ta mère a vendu du charbon, même si tu deviens médecin, les gens n'oublient pas tes origines et te regardent de haut. Alors qu'en Amérique, on aime les histoires de réussite. Plus tu viens du bas de l'échelle, plus on te félicite. La mère d'Henry avait vendu du charbon en Haïti, mais son fils serait bientôt docteur.. L'histoire d 'Henry était une réussite.page 103
Je me suis arrêtée, pour jeter un dernier coup d'oeil derrière moi. Le marchand de charbon de bois était couché par terre, replié sur lui-même. Il crachait du sang. Les autres Macoutes, qui s'étaient mis de la partie, lui écrasaient la tête à coups
de bottes. Tous regardaient dans un silence horrifié. Personne ne disait rien. page 146
Selon tante Atie, chaque doigt était doté d'une fonction particulière, ainsi qu'on le lui avait appris pour la préparer à devenir femme: faire la mère, faire bouillir, faire l'amour, faire les gâteaux, faire les enfants, faire frire, faire guérir, faire la lessive, faire le repassage, faire le ménage. Elle n'y pouvait rien, c'était comme ça, disait-elle: ses dix doigts avaient été baptisés bien avant sa naissance. parfois, elle avait envie d'avoir six doigts à chaque main, de manière à pouvoir en garder deux pour elle.page 185
La nourriture , c'était trop rare quand nous étions jeunes. pas question de la gâcher. (L'auteur est anorexique) page 217
Tu es devenue une vraie Américaine, Sophie. Je ne te fais pas de reproches. ce sont des conseils. J'ai envie de te donner des conseils. Mange. La nourriture te fera du bien. C'est un luxe. Quand je suis arrivée dans ce pays, j'ai pris 27 kilos la première année. Cette multitude de pommes, toutes ces glaces,- j'en croyais pas mes yeux. les choses que seuls les riches peuvent s'offrir en Haïti, ici, n'importe qui les achète pour trois fois rien. page 218

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