dimanche, février 04, 2018

COMME UNE RIVIERE BLEUE ( Michèle Audin)

"Personne ne se souvient de leurs noms, mais je vais vous dire un ou deux mots de cette passementière qui, toute sa courte vie, souffrit tellement des dents, de ce marchand de produits chimiques de Saint-Paul que seules les grandes quantités de vin rouge consolaient , de ce menuisier qui sculptait les petits jouets en bois pour l'enfant qu'il attendait, de ce cordonnier qui se souvenait de ce geste touchant , sa femme relevant ses cheveux, elle était morte pendant le siège , de cette tourneuse qui voulut être institutrice, de cette brocheuse qui avait un carnet dans lequel elle notait ce qu'elle faisait ou pensait..."
 
Une petite foule de personnages, Marthe, Paul, Maria, Floriss...vivent, s'aiment, espèrent , travaillent, écrivent, se battent, enfermés dans Paris, pendant les soixante-douze jours qu'a duré la Commune. Comme une rivière bleue est leur histoire, vécue nuit et jour, a travers les fêtes, les concerts, les débats fiévreux, à l'Hôtel de Ville, à la Barrière d'Enfer , au Château d'Eau , sur les fortifications, dans ce Paris de 1871 qui est encore le nôtre.
A l'aide de journaux inconnus, de l'état civil  et de ses failles, de livres de témoins, le roman de Michèle Audin nous entraîne dans la ville assiégée, derrière quelques-uns des obscurs qui fabriquent cette "révolution tranquille et belle come une rivière bleue."

Je suis venu ici (au mur des Fédérés) pour la première fois en 1971, l'année du centenaire de la Commune. j'avais neuf ans. Ma mère ne m'a pas dit: "Ote ton chapeau, regarde et souviens-toi" - Je n'avais pas de chapeau.
Page 13
 
Les révolutions commencent toujours parce que les classes au pouvoir méconnaissent  et méprisent les  classes populaires.
Ainsi du 18 mars 1871 et de la Commune de Paris . Le Paris populaire tout entier est maltraité et violenté par l'Assemblée élue trois semaines plus tôt, un ramassis  de toutes les friperies  des régimes monarchistes eu bonapartistes du passé, qui n 'a qu'une crainte: ce Paris populaire est armé. Les gardes nationaux ont des fusils. Dee véritables parcs à canons ont été formés dans les faubourgs à Belleville et à Montmartre.
En douce, à trois heures du matin, Monsieur Thiers , "chef de l'exécutif" tente d'envoyer la troupe les enlever  - dans un plan général visant à neutraliser les points stratégiques pour occuper militairement Paris, désarmer  la Garde Nationale et finalement mater les populations des quartiers ouvriers.
C'est en douce, c'est à trois heures du matin, mais ce n'est pas vraiment une surprise. Les canons ont été hissés sur les hauteurs de Belleville justement parce que l'armée a déjà essayé de s'en emparer. On a jugé plus prudent de les mettre sous la protection des faubourgs. Et les faubourgs les protègent.
La population de Montmartre réagit...
Son vol de canons raté, Thiers fuit Paris, dès trois heures...Son gouvernement le suit . A Versailles..  pages 18, 19
 
Ce jour-là, le 19 mars (un dimanche) on lit Le Rappel de la famille Hugo. De toute façon, on n'avait pas le choix.: les quotidiens révolutionnaires ont été interdits par le Gouverneur de Paris. page 22
 
Le mot électeur est masculin. Les femmes n'ont pas voté mais elles étaient à proximité, dans les mairies des faubourgs où elles offraient le vin et ne se gênaient pour dire aux hommes pour qui il fallait voter. page 35
 
Le "Vieux" c'est Blanqui. La plus grande réussite de Thiers, avant ses exploits à venir au mois de mai, c'est l'arrestation d'Auguste  Blanqui dans le Lot, justement le 17 mars, précisément le 17 mars de sorte que le vieux révolutionnaire , élu dans les dix-huitième et vingtième arrondissements , est encore enfermé au loin. page 39, 40
 
On continue à reconnaître les bourgeois à l'habit qu'ils portent encore ( les ouvriers, eux, ont changé: depuis la guerre et le siège de l'hiver, ils sont plus souvent en tenue de garde national qu'en blouse).
-"Tu as lu le "Quelle journée" de Vallès?"
-Oui, la révolution qui passe tranquille comme une rivière bleue;
-Belle image , la rivière bleue
-Oui,  C'est que le bulletin a remplacé le chassepot. page 50
 
Le silence se fait, le silence de la foule est beaucoup plus émouvant que le bruit de la foule, le silence de cette foule écoute Gabriel Ravier glorifier le peuple de Paris pour le grand exemple qu'il vient de donner au monde, puis Boursier lit la liste des élus....Au nom du peuple, la Commune est proclamée!" Ovations, vive la République, vive la Commune! Si le vent porte ces cris de joie à l'Assemblée de Versailles, elle doit tressaillir de peur au milieu de son apathie, écrira le lendemain un journaliste bourgeois. Képis carrés, plissés, fripés, sautant en l'air, éclat de baïonnettes encore et encore. page 54
 
Le 30 mars, le journal devient ce lui de la Commune et en plus du Comité central. L'Assemblée communale élue a pris le nom de "Commune de Paris". page 81

Hôtel de Ville, souvenir vivant des révolutions de 1830 et de 1848, lieu de la proclamation de la République, il y a six mois  et de celle de la Commune, il y a trois jours...Hôte de Ville, siège de la Commune page 85

Le dimanche 2 avril...le bruit presque oublié du canon se fait entendre au loin. Pas si loin que ça: l'armée versaillaise a attaqué et bombardé le paisible village de Neuilly. Ce ne sont plus des escarmouches,  c'est bien une armée en campagne. La guerre civile contre la Commune et ses gardes nationaux est engagée. page 100
 
Car ils se font tuer.
Les premiers sont partis dans l'enthousiasme. Les renforts sont envoyés n'importe comment. Déjà épuisés. Sans vivres. La sortie torrentielle comme unique stratégie. Ils sont faits prisonniers. Ils se font tuer. page106
 
Les bataillons de la Garde nationale ont quitté Paris pleins d'enthousiasme, lilas au fusil et musique en tête. Comme un torrent. Sûrs de coucher le soir devant l'Assemblée, ils sont partis comme pour une promenade, un peu à l'aventure, sans idée des exigences de la guerre. Ils n'ont pas d'ambulance, pas de fourgon de vivres, pas de rations de pain, pas de biscuits. page 111
 
Le mercredi 5 avril, la Commune vote à l'unanimité le décret sur les otages:  le gouvernement de Versailles foule ouvertement aux pieds les droits de l'humanité comme ceux de la guerre, en égorgeant et en fusillant les prisonniers. Les complices de Versailles seront incarcérés et jugés...page 117

Et le peuple n'en finit pas d'enterrer des victimes de la sortie du 3 avril. page 126

(Le 11 avril) le journal public publie un décret dans lequel la Commune reconnaît la structure de la famille ouvrière - union libre, enfants reconnus ou pas. page 131

20-30 avril: La Commune est emprisonnée dans Paris, investie, cernée, étouffée. Une sorte de blocus, intellectuel, celui-là, a fait disparaître les comptes rendus de l'Assemblée à Versailles du journal. Inversement, personne en France ne sait ce qui se passe à Paris. page 181

1er mai.  Pendant ce temps, à la Commune, il y a eu des disputes encore et encore.
On a voté. Et puis on s'est demandé pourquoi on avait voté. page 199

Entre la chute de la colonne Vendôme lundi dernier et l'incendie de l'Hôtel de Ville mercredi prochain, on s'occupe à démonter la statue en bronze de Henri IV au-dessus de la grande porte d'entrée e l'Hôtel de Ville. page 300

Le 1er juin, l'ordre règne. page 148
 
 
 
 
 
 

Aucun commentaire: