samedi, mai 05, 2018

LA ROUTE DES CLAMEURS ( Ousmane Diarra)
 
On est au Mali, dans un sanglant bouillon d'intolérance , sous la férule des islamistes conduits par le calife Mabu Maba dit Fieffé Ranson Kattar Ibn Ahmad Almorbidonne, et aux prises avec la férocité des gamins imans. Un artiste peintre, par ailleurs ancien  condisciple du faux calife, est pris dans la nasse de l'obscurantisme. On détruit la famille, on détruit son atelier, ses tableaux et ses sculptures partent en fumée. Seule lui reste encore sa tête pleine d'ironie pour tenir tête aux envahisseurs, inoubliable figure de notre époque plombée par le fascisme, père à la fierté frêle et ulcérée, artiste à l'humour ravageur, homme à la dignité désemparée et exemplaire...C'est un enfant qui raconte.
 
Ouais, mon vieux papa , il connaissait bien la brousse mais les œufs  de mort, moi, je les connaissais mieux que quiconque....J'avais vu des tas de gars se les ramasser en plein bidon. Et boum! Leurs jambes partaient au nord pendant que la tête et les reste fonçaient tout droit au sud. page 16
 
Mais à chaque fois que je me fâchais et brandissais mon sabre étincelant et mon kalach pour bousiller tous ces misérables, il me disait, mon papa, de rengainer mes armes tout de suite, et me répétait que c'est  dans les sociétés arriérées que la moquerie et les méchancetés sont les plus développées,  de même que la peur et les superstitions....C'est vrai que mon papa était d'accord avec peu de gens, surtout depuis l'invasion du pays par le calife Mabu Maba dit...et c'est pourquoi beaucoup de gens voulaient sa peau..page 18

Mon papa était donc le plus grand peintre et sculpteur du pays, le seul à n'avoir pas pris la poudre d' escampette aux premiers cris d'orfraie des gamins imams des nouvelles mosquées, ou renoncé à sa liberté en échange de la promesse du jardin des délices éternelles. page 23
Quand tout un peuple choisit dramatiquement de vivre à travers les rêves d'autrui, il est foutu! Et c'est notre cas! On ne peut vivre les rêves des autres. Il nous faut réinventer nos propres rêves de bonheur, de conquête du paradis! Rêver par les tête d'autrui est toujours fatal; page 24
Les œuvres de mon papa voyageaient  dans le monde entier et se vendaient comme des petits pains. Notre famille était riche et généreuse. Et tous les parents proches et lointains dormaient chez nous...Mon papa il distribuait son argent à tout le monde, comme s'il le ramassait par terre. Et c'était peut-être pourquoi tout le monde lui foutait la paix....Il y avait déjà plus de quinze mosquées dans le quartier. Et mon papa n'en fréquentait aucune. Il  n'en avait  tout simplement pas le temps. Son travail était sa prière et c'était accepté de tous....Mais les choses ont commencé à changer avec l'apparition de nouvelles mosquées  dirigées par des enfants imams à la barbichette de bouc nain. page 25, 26
 
Et pour ne rien arranger, les gamins imams des nouvelles mosquées commencèrent à tenir, dans leurs prêches du vendredi, des propos malveillants sur le travail de mon papa. Notre mère fut la première à en être affectée. Elle proposa  à mon papa de changer de métier....Comment pouvait-il changer de métier à son âge?...il lui répondit qu'il ne savait et ne saurait jamais rien faire d'autre de sa putain de vie! Il était né pour peindre et sculpter, comme d'autres pour emmerder le monde avec leurs prédications imbéciles. pages 29, 30
 
Un gamin imam, il était au-dessus de tout le monde, même du Président de la République qu'il pouvait sermonner et insulter à sa guise à travers ses prêches enregistrées et diffusées dans toutes les radios et télés publiques et privées que le Grand Calife en cours de route avait achetées et mises  au pas. page 38
 
...Je ne dois ni ramper comme un reptile, ni marcher à quatre pattes comme une bête de somme. parce que je ne suis pas un reptile ni une bête de somme mais un  homme, un être humain comme les sept milliards d'autres qui peuplent la terre! Et je dois la mériter, mon humanité! Mériter mon authenticité  d'être humain! page 45

C'est plus tard, quand les enfants imams ont enfin réussi à coloniser nos consciences pourries de nègres afro-africains vissés au bled-continent, que j'ai compris que Zabani Zabata ( son frère) n'avait pas tort de reprocher pas mal de choses à mon papa. En autres , le refus entêté de décamper alors qu'il était temps, de notre bien fichu bled où tout semblait, dans une compétition rageuse vouée à la médiocrité, se liguer contre l'intelligence et le talent. Nous amener sous d'autres cieux où l'on enseigne aux enfants l'art de vivre et non de mourir n'aurait , en  effet, rien coûté à son orgueil de nationaliste fieffé. Mais il s'était entêté à rester, mon vieux papa. "Je ne fuira pas mon pays"! qu'il me disait.  page 55

La frousse avait pondu son œuf de mort infaillible dans le cœur et l'esprit de tout le monde. page 59
 
A part les nouvelles mosquées des gamins imams,...rien ne devait rester debout. Parmi ce chaos  généralisé où , au-dessus de la ville, l'on ne voyait plus rien d'autre que la poussière et la fumée. Page 64
C'était l'occupation. c'est mon papa qui me l'a appris  un jour. Quand  quelqu'un d 'autre vient chez vous, vous prend tout , y compris votre ombre, et vous impose ses  lois, vous êtes sous occupation. ..On ne devait plus chanter, ni danser. On ne devait plus sortir dans la rue, sauf pour aller dans les mosquées de gamins imams. Même les radios et les télévisions publiques et privées rachetées par  le Calife..., elles avaient définitivement arrêté de diffuser  nos chansons parce que  nos chansons étaient païennes. Nos langues étaient des langues païennes. Nos habits étaient des habits païens. Le français que nous apprenions à l'école était une langue d'infidèles qu'il ne fallait plus utiliser.  L'anglais était tolérable en attendant l'imposition de la langue d'Allah à tout le monde. Et même le nom de notre pays avait changé, le Mali, à terme, il devait être changé, parce qu'il était d'origine païenne...page 66
 
(Le narrateur est embrigadé dans les Morbidonnes et suit des formations diverses.) Ma décision ne se fit pas attendre. Dès le lendemain, je demandai à Zabani Zabata (son frère)  de m'emmener avec lui pour apprendre à me battre. De toute façon , je préférais cela à la perspective d'être obligé de me coltiner les salmigondis que les autres gamins apprenaient, lesquels ne m'auraient conduit à rien. page 101
La vie d'un seul Morbidonne vaut celle de dix mille infidèles . page 107
Le problème dans tout ça,  c'est le fait que le paradis d'Allah du Calife Mabu...., c'est toujours après la mort. Et malgré ce que lui-même, il n'arrête pas de raconter à tout le monde, on n' a jamais vu personne revenir de la mort pour raconter ce qu'il a vu de ses propres yeux! C'est tout ça que je trouve curieux. page 126
Je me suis jeté, avec toutes mes forces et toute mon intelligence mais sans mon âme, dans l'apprentissage du Coran, ou plutôt sa récitation. Parce que je voulais revoir mon papa. Il me manquait tellement. je ne savais pas s'il était mort ou en vie page 132
 
Je pensais que le calife allait encore me laisser entre les mains de mon maître ou me donner à un autre pour parfaire ma formation coranique. Mais , à ma grande surprise, il m'a libéré à la fin de la cérémonie. Ou du moins, il m'autorisa à aller voir mon papa. J'ai bondi de joie...page 137
...je retrouvai mon papa. Il  était assis dans la cour, sur un tapis de prière. En le voyant, je pensai qu'il était en train de prier ou de faire son chapelet. mais il ne priait pas. Il était assis, comme ça, placide, le regard perdu. page 137
Ma mère était , elle aussi accroupie sur un tapis de prière, face à l'est. Mais contrairement à mon papa, elle, elle priait pour de vrai...page 138
Enfin le calife finit par prendre la parole. Il ne fut pas long. Il félicita Zabani Zabata et moi pour les immenses services rendus à la religion. Il remercia mon papa d'avoir accepté, non seulement de se convertir à la seule et vraie religion, mais surtout d'avoir sacrifié sa fortune et toute sa famille à la cause d'Allah... "Imposteur! coupa mon papa en sortant subitement de son silence. Je ne me suis pas converti! Et je  ne le ferai jamais! parce que la pire des  colonisations est celle  qui se  fait par la conscience. " Le calife laissa parler mon papa, mais ne donna aucune importance à ses propos. page 148
...C'était de prononcer  le divorce de ce faux couple, et pour l'intérêt de ma mère! Ce qu'il allait faire. Car une musulmane ne peut rester l'épouse légitime d'un mécréant. La foule applaudit. Ma mère éclata en sanglots. Elle se roula dans les gradins en criant come une enfant. Là, c'était trop! Je ne pouvais  pas le laisser passer. J'allais étrangler  le Calife, le tuer de mes propres mains. ...Je voulus me lever mais mon papa, fermement me retint par la main.page 165
 
Un premier coup de feu éclata dans le palais. C'était le moment. La bête allait se réveiller et tout serait foutu. Il fallait agir , et très vite.
Je visai le cœur du Calife. Il dormait comme un bébé. Je fermai les yeux, et, de toutes mes forces, j'y enfonçai le couteau à cran d'arrêt...Quand quelques minutes plus tard, je sortis de la résidence,... Je retrouvai mon papa à la porte...Je dis à Zabani Zabata (son frère)  : "Zabani Zabata, j'ai tué le cochon.!" Zabani Zabata: "Chouette, je le remplace!"...Il me fit monter dans le pickup ...à côté de mon papa. page 168
 
Soudain, on entendit un grand fracas au-dessus de nos têtes...Je commençai à paniquer. Mais curieusement, mon papa souriait. Même il semblait  de plus en plus joyeux.
Mort de peur, je me tournai vers mon papa: " Mon papa, cette fois, c'est la fin du monde pour de vrai.  Allah s'est fâché contre les hommes ..." - Mon papa me dit: " Non Bassy, c'est  le début du monde". pages 171, 172
 
 
 
 
 
 

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