samedi, septembre 29, 2018

SORCIERES, LA PUISSANCE INVAINCUE DES FEMMES ( Mona Chollet)

"Qu'elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos  de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure.
La sorcière est à la fois la victime absolue , celle pour qui on réclame justice et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles  qui, dans l'Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie? Quels types de femmes ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés?  Ce livre en explore trois et examine ce qui reste aujourd'hui, dans nos préjugés et nos représentations: la femme indépendante - puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées; la femme sans enfant - puisque  l'époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée -  devenue, et restée depuis, un objet d'horreur. Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier  qui s'est développé alors tant à l'égard des femmes que de la nature: une double malédiction qui reste à lever."
 
Dans la conscience collective,  les chasses aux sorcières qui se sont déroulées en Europe, essentiellement aux XVIè et XVIIè siècles, occupent une place étrange. Page 12
 
On fait souvent l'erreur de le situer (cet épisode des sorcières) au Moyen-Age, dépeint comme une époque reculée et obscurantiste...alors que les grandes chasses se sont déroulées à la Renaissance, qu'elles ont commencé vers 1400 et pris de l'ampleur surtout à partir de 1560.
De même, on met souvent les persécutions sur le compte d'un fanatisme religieux incarné par des inquisiteurs pervers. ...or l'écrasante majorité des condamnations ont été faites par des cours civiles. En matière de sorcellerie, les juges laïcs se sont révélés " plus cruels et plus fanatiques que Rome". page 13
 
Comme souvent, la désignation du bouc émissaire, loin d'être le fait d'une populace grossière, est venue d'en haut, des classes cultivées. La naissance du mythe de la sorcière coïncide  à peu près avec celle- en 1954 -  de l'imprimerie, qui y a joué un rôle essentiel. page 15
Les accusations ont longtemps épargné les classes supérieures et, quand elles ont fini par les atteindre à leur tour, les procès se sont rapidement éteints. page 16
Certaines accusées étaient à la fois magiciennes et des guérisseuses: un mélange déconcertant à nos yeux, mais qui allait de soi à l'époque.  Elles jetaient ou levaient des sorts, fournissaient des filtres et des potions, mais elles soignaient aussi les malades et les blessés, ou aidaient les femmes à accoucher. page 17
...La chasse aux sorcières fut une explosion de misogynie.  page 20

Le champ est immense, mais j'aimerais me concentrer sur quatre aspects de cette histoire. Il y a d'abord le coup porté à toutes les velléités d'indépendance féminine ( chapitre 1 ). dans le même temps, l'époque de la chasse aux sorcières a vu la criminalisation de l'avortement et de la contraception ( chapitre 2).  Les chasses aux sorcières ont aussi inscrit profondément dans les consciences une image très négative de la vieille femme. La vieillesse des femmes reste, d'une manière ou d'une autre, laide, honteuse, menaçante et diabolique. ( chapitre 3). L'asservissement des femmes nécessaire à la mise en place du système capitaliste est allée de pair avec celui des peuples déclarés "inférieurs", esclaves et colonisés, pourvoyeurs de ressources et de main-d'œuvre gratuite. ...Il en a découlé une science arrogante, nourrie de mépris à l'égard du féminin, associé à l'irrationnel, au sentimental, à l'hystérie, à une nature qu'il s'agissait de dominer. (chapitre 4) pages 34, 35, 36, 37
 
Chapitre 1: une vie à soi. Le fléau de l'indépendance  féminine.
 
L'idée que les femmes sont des individus souverains,, et non de simples appendices, des attelages en attente d'un cheval de trait, peine à se frayer un chemin dans les esprits - et pas seulement chez les politiciens conservateurs. page 47
(Miss, Mrs, Mis: controverse sur ces termes en Amérique au temps de Nixon ). Lorsque, en France, quarante années plus tard. Osez le féminisme et les Chiennes de garde ont enfin mis le sujet sur la table avec leur campagne " Mademoiselle", la case en trop qui demandait la disparition de cette option sur les formulaires administratifs, la démarche a été perçue comme une énième lubie de féministes désoeuvrées . page 48
Si elle n'a pas l'exclusivité, la célibataire incarne l'indépendance féminine sous la forme la plus visible, la plus évidente....pour une femme la perspective de tracer son chemin dans le monde est dépeint comme triste et pathétique aussi longtemps  qu'il n'y a pas un type dans le tableau...Plus une culture est patriarcale et polarisée en terme de genre, plus elle valorise la romance. Pages 50, 51
 
Le dictionnaire définit "un aventurier" comme "une personne qui vit, qui apprécie  ou qui recherche l'aventure" , mais "une aventurière " comme "une femme prête à tout pour acquérir de la richesse ou une position sociale". page 54
 
Erika Flahault, dans son enquête sociologique  de 2009 sur "la solitude résidentielle des femmes en France", distingue les femmes"en manque" , elles se retrouvent complètement démunies dès qu'elles n'ont pas ou n'ont plus , la possibilité d'incarner la bonne épouse ou la mère  - celles qui subissent leur situation et qui en souffrent - les femmes "en marche" - celles qui apprennent à l'apprécier - et les "apostates du conjugal"- celles qui ont délibérément organisé leur vie, leurs amours et leurs  amitiés en dehors du cadre du couple. ... Ce sont des femmes créatives, qui lisent beaucoup,  et qui ont une vie intérieure intense. page 55

"Une femme qui pense seule, pense mal" page 58
 
En Europe, avant la grande vague des procès en sorcellerie, il y avait eu au XVè siècle, comme un signe avant-coureur, le démantèlement du statut particulier  des béguines, ces communautés de femmes présentes surtout en France, en Allemagne et en Belgique. Souvent veuves, ni épouses, ni nonnes, échappant à toute autorité masculine, elles vivaient en communauté , dans de petites maisons individuelles, voisinant avec des jardins potagers et médicinaux, allant et venant en toute liberté. page 66
 
La sorcière, écrit Pan Grossman, est le "seul archétype féminin qui détient un pouvoir par elle-même. Elle ne se laisse pas définir par quelqu'un d'autre. Epouse, sœur,  mère, vierge, putain: ces archétypes  sont fondés sur les relations avec les autres. La sorcière, elle, est une femme qui tient debout toute seule. " page 70
 
Au sein de la famille hétéroparentale, les besoins d'une femme doivent toujours s'effacer devant ceux de son compagnon et de ses enfants. "Les femmes s'entendent souvent dire  que la bonne manière d'être une mère, c'est de se fondre dans la vie des autres". page 72
"Les médecins, les pédagogues ont rapidement conclu que l'éducation supérieure pouvait être dangereuse pour la santé des femmes. Une croissance "cérébrale trop soutenue, avertissaient -ils ,  atrophierait l'utérus.
 
 Au Moyen-Age, les Européennes avaient accès comme les hommes à de nombreux métiers, souligne Silvia Federici: "Dans les villes médiévales, les femmes travaillaient  comme forgeronnes, bouchères, boulangères, chandelières, chapelières, brasseuses et cardeuses de laine et détaillantes." En Angleterre, "soixante-douze des quatre-vingt corporations comptaient des femmes dans leurs rangs" et dans certaines d'elles, elles étaient dominantes. page 75

On ne fait pas des enfants pour les faire élever par quelqu'un d'autre. Certes, mais on ne fait pas non plus des enfants pour rester collée à eux en permanence, ni pour renoncer à cultiver toutes ses autres dimensions . page 79

Chapitre 2, Le  désir de la stérilité. Pas d'enfant, une possibilité.

Avant la grande peste de 1348, qui tua environ un tiers de la population européenne, l'Eglise était restée assez indifférente à la question  de la natalité.; idéalement, elle aurait voulu convertir les masses à l'abstinence. Cela changea par la suite. page 92
 
Même si la natalité a connu pour la première fois une baisse en 2015, puis à nouveau en 2016 et 2017, la France détient toujours le record européen - avec l'Irlande. L'une des explications avancées est le développement des services d'accueil de la petite enfance, qui épargne les femmes de devoir choisir entre travail et maternité, comme c'est le cas en Allemagne. En revanche, la floraison de publications sur la vie sans enfants observée ces dernières années aux Etats-Unis,  s'explique par le fait que le taux de natalité du pays a atteint son   plus bas niveau historique  en 2013 - sans que cela soit forcément un drame, grâce à l'immigration.
On ne saurait tracer une frontière nette entre deux catégories: d'un côté, celles et ceux qui n'ont pas d'enfants parce qu'ils n'en veulent pas et, de l'autre, celles et ceux qui en ont parce qu'ils ont voulu.. pages 96, 97
 
Il y a de la place pour toutes les conceptions, me semble-t-il. J'ai seulement du mal à comprendre pourquoi...persiste l'idée ...que  réussir sa vie implique d'avoir une descendance. page 99
 
Ne pas avoir d'enfant, c'est savoir qu'à votre mort, vous ne laisserez pas derrière vous quelqu'un que vous aurez mis au monde, que vous aurez en partie façonné et à qui vous aurez légué une atmosphère familiale, le bagage énorme - parfois écrasant - d'histoires, de destins, de douleurs et de trésors accumulés....Pour autant, cela ne signifie pas ne rien transmettre...Chaque existence humaine bouscule une infinité de quilles et laisse une empreinte profonde, qu'il n'est pas toujours en notre pouvoir de cartographier....Nous ne savons jamais comment nous affectons les autres. Les enfants ne sont que la manifestation la plus évidente du passage sur Terre de la plupart d'entre nous, la seule que nous soyons entraîner à  repérer. page 102
 
Nombre de médecins se permettent de faire la morale à celles qui ne veulent pas d'enfants, en leur disant qu'elles "devraient penser à celles qui n'en ont pas" ..Se forcer à faire un enfant par égard envers une autre qui n'y arrive pas n'aboutirait qu'à un redoublement  de malheur. page 106
Apprendre  que l'on est enceinte , c'est merveilleux lorsqu'on veut un enfant, et c'est un coup dur lorsqu'on n'en veut pas. page 107
 
Pam Grossman lorsqu'elle écrit ...."que les femmes qui créent autre chose que des enfants restent considérées par beaucoup comme  dangereuses page 118
...Dans les années 1960,  un groupe d'Africaines-Américaines, à certains hommes noirs  qui considéraient la contraception comme une forme de génocide, elles répondaient que c'était au contraire la "liberté de combattre le génocide des femmes  et des enfants  noirs" car celles  qui restaient sans enfant avaient davantage de pouvoir. En France, les manifestations scandaient : " un enfant si je veux, quand je veux". ...Jamais le mouvement féministe n'a osé exprimer l'idée qu'une femme pouvait ne pas avoir d'enfant du tout. page 119

Que la société valide la liberté des femmes d'être ce qu'elles veulent  et puis quoi encore? "Je n'ai pas envie qu'on me demande de me marier, de faire des gosses, de travailler, comme ci, comme ça. Je veux juste être quelqu'un " lance Linda, trente-sept ans. page 121

La société ne tolère qu'une seule réponse des mères à la question de la maternité: "J'adore ça". résume Orna Donath. Or, le regret existe; et comme tous les secrets, quand il n'est pas dit, il suppure ou il éclate dans les moments de crise ou de conflit. page 214
Dire à son enfant: " Tu sais, je t'adore, je suis si heureuse que tu existes, mais je ne suis pas sûre que j'étais taillée pour ce rôle" ce n'est pas du tout la même chose que de lui hurler dessus qu'il nous empêche de vivre et qu'on voudrait bien qu'il ne soit jamais né. page 125

"En tant que femme qui a choisi de rester sans  enfant, j'ai généralement un seul problème: les autres adultes". dit Danielle Henderson. page 127

Chapitre 3. L'ivresse des cimes. Briser l'image de la vieille peau.

On dit souvent que le vieillissement et la mort sont tabous dans notre société; sauf que c'est seulement le vieillissement des femmes qui est caché. page 132

"Chaque fois que nous voyons ( une dame âgée )  comme "grand'mère" , nous nions sa liberté, écrit Cynthia Rich. Nous lui disons, à rebours de son propre choix, que sa véritable place est à la maison". page 135
 
Pour une bonne part, la hantise de la péremption chez les femmes concerne leur capacité à enfanter. ...mais l'inquiétude concerne aussi l'apparence physique. dans une  certaine mesure, le jeunisme ambiant affecte les femmes et les hommes, et les seconds peuvent eux aussi, souffrir des effets de l'âge.  Mais le regard de la société  sur les unes  et sur les autres est très différent. Un homme n'est jamais disqualifié sur le plan amoureux ou sexuel du fait de son âge., et, lorsqu'il commence à avoir des signes  de vieillissement, il ne suscite ni les regards apitoyés  ni la même répulsion. On se pâme devant le visage tanné de Clint Eastwood, quatre-vingt - sept ans à l'heure où j'écris. Une étude a montré , qu'à Hollywood, les stars féminines voient leur salaire augmenter jusqu'à l'âge de trente-quatre  ans, puis décroître rapidement ensuite, alors que leurs partenaires masculins atteignent leur salaire maximum à l'âge  de cinquante - et -  un ans et conservent des revenus stables par la suite.
...Durant la campagne présidentielle de 2008, aux Etats-Unis, l'éditorialiste  conservateur Yush  Limbaugh avait lancé en parlant d'Hillary Clinton: " Est-ce que ce pays  a vraiment envie de voir une femme vieillir sous ses yeux , jour après jour". Or, au cours de deux mandats  de Barack Obama , le monde  a été  le témoin attendri à la fois du grisonnement du président américain et  de l' élégance  avec laquelle il l'assumait. pages 135, 136, 137, 138
 
"Les hommes ne vieillissent pas mieux que les femmes: ils ont seulement l'autorisation de vieillir. " page 138
La péremption des femmes se reflète aussi  dans la différence d'âge que l'on observe au sein de tant de  couples. En France, en 2012, parmi ceux qui vivent sous le même toit, l'homme est plus âgé  dans huit cas sur dix. dans 19 pour cent des couples, l'homme avait cinq à neuf ans de plus que sa compagne, tandis que la situation inverse  n'en concernait que 4 pour cent. page 139

Quand , bien plus rarement, une femme a un partenaire plus jeune qu'elle, loin de passer comme une lettre à la poste, est abondamment souligné et commenté. On la qualifie de "cougar"., terme dont il n'existe pas d'équivalent pour les hommes. ...En 2017, le monde politique a offert une parfaite illustration de cette différence de traitement . De vingt-quatre plus âgée que son époux,  Brigitte Macron a été la cible d'incessantes "blagues"  et de remarques sexistes. ... A contrario, Donald Trump a fait l'objet d'innombrables railleries portant  sur à peu près tous les aspects de sa personne mais jamais sur les vingt-trois  ans qui le séparent de son épouse Mélania. page 141 
 
Etudiant l'usage du critère de l'âge sur le site de rencontres Meetic, une autre sociologue , Marie Bergström, a constaté que, à partir de quarante ans, la part des utilisateurs qui, après une séparation, recherchent exclusivement des femmes plus jeunes va croissant. page 144
"Paraître jeune est le deuxième boulot à plein-temps de beaucoup de femmes. Celui où on perd de l'argent" page 147. page 147
 
Vieillir est une chose merveilleuse, car cela signifie que nous avons la possibilité  chaque jour, de vivre une vie pleine et heureuse. Les mots sont importants. page 149
 
Avec le temps, sa (celle de la femme) dimension d'individu est devenue plus nette. Elle a gagné  en expérience si ce n'est en assurance. Or le seuil de tolérance est bas: une femme sûre d'elle , qui affirme ses opinions, ses désirs et ses refus, passe très vite , pour une harpie, une mégère, à la fois aux yeux de son conjoint et aux yeux de son entourage....
Un homme qui n'est pas intéressé par un échange d'égal à égal préfèrera se tourner vers une plus jeune. page 154, page 155
 
Si les chasses aux sorcières ont particulièrement visé des femmes âgées, c'est parce que celles-ci manifestaient une assurance intolérable. Face à leurs voisins, aux prêtres ou aux pasteurs, elles répondaient  écrit Anne L. Barstow - "elles répondaient , à une époque où l'on attendait de plus en plus  des femmes qu'elles se montrent soumises". Elles le pouvaient d'autant mieux qu'elles n'étaient plus encadrées par un père, un mari, ou des enfants. Il s'agissait de femmes "qui parlaient haut et fort, qui n'avaient pas la langue dans la poche , qui avaient un esprit indépendant.  page 156
 
Les hommes ont beau prétendre "incarner l'esprit ", ils sont tout aussi "proches de la matière" que les femmes et leur dépérissement n'est ni moins rapide ni moins visible. page 162
A la fin de son article en 1972, Susan  Sontag écrivait : " Les femmes ont une autre opinion. Elles peuvent aspirer à être sages, et pas simplement gentilles, à être compétentes et pas seulement gracieuses, à avoir de l'ambition pour elles-mêmes, et pas simplement pour elles-mêmes en relation avec des hommes et des enfants. Elles peuvent se laisser vieillir naturellement  et sans honte...Au lieu d'être des filles, des filles aussi longtemps que possible, qui deviennent ensuite des femmes d'âge moyen humiliées, puis des vieilles femmes obscènes, elles peuvent devenir des femmes beaucoup plus tôt - et rester  des adultes actives, en jouissant de la longue carrière érotique dont elles sont capables, bien plus longtemps. Les femmes devraient permettre à leur visage  de raconter la vie qu'elles ont vécue. Les femmes devraient dire la vérité. page 176
 
Chapitre 4: Mettre ce monde cul par-dessus la tête. Guerre à la nature, guerre aux femmes.
 
En tant que lectrice, par exemple, j'étais tombée amoureuse du Monde Diplomatique pour ses textes littéraire et philosophiques, ses regards sur l'époque et la société, ses engagements, ses signatures de grands intellectuels, son iconographie sophistiquée et décalée. J'y voyais une sorte de journalisme poétique qui me plaisait beaucoup. Quand j'ai commencé  à y travailler, j'ai été déconcertée par la passion de nombre de collègues pour les chiffres, les cartes, les tableaux, toute chose  que j'avais à peine remarqué la présence jusque là. page 183
 
Je ne voulais pas me retrouver à défendre une manière "féminine " de voir et de faire les choses; d'ailleurs, je voyais bien que toutes les femmes n'étaient pas comme moi, de même que je retrouvais ma sensibilité intellectuelle chez les hommes. page 186
L'ancienne vision considérait le monde comme un organisme vivant, souvent associé à une figure maternelle et nourricière. ....Le monde est désormais perçu comme mort, et la matière comme passive...L'être humain  émerge comme "une entité résolument séparée, ayant rompu toute continuité avec l'univers dont il partageait autrefois l'âme....Le corps est pensé comme  séparé de l'âme et répudié."  pages 189, 190
 
" La sorcière, symbole de la violence de la nature  déchaînait des orages, causait des maladies, détruisait les récoltes, empêchait la génération et tuait les jeunes enfants. La femme qui causait du désordre, comme la nature chaotique,  devait être placée  sous contrôle" Une fois jugulées et domestiquées , toutes deux pourraient être réduites à une fonction décorative , devenir des "ressources psychologiques et récréatives pour le mari-entrepreneur harassé."  page 191
 
La médecine telle que nous la connaissons, s'est construite sur leur élimination  physique ( des femmes): les chasses aux sorcières ont visé d'abord les guérisseuses,. S'appuyant  sur l'expérience, celles-ci étaient plus compétentes que les médecins officiels...Dès le XIIIè siècle, cependant,  soit bien avant  le début de la chasse aux sorcières, - avec l'apparition d'écoles de médecine dans les universités européennes, la profession médicale avait été interdite aux femmes page 194
 
"Je hais les médecins. Les médecins sont debout, les malades sont couchés.....Et les médecins debout paradent au pied des lits des pauvres qui sont couchés et qui vont mourir et les médecins leur jette à la gueule sans les voir des mots gréco-latins que les pauvres couchés ne comprennent jamais et les pauvres couchés n'osent pas demander pour  ne pas  déranger le médecin debout qui pue la science et qui cache sa propre peur de la mort en distribuant sans sourciller, ses sentences définitives et ses antibiotiques approximatifs comme un pape au balcon, dispensant la parole et le sirop de Dieu  sur le monde à ses pieds. " (Pierre Desproges, 1988)
 
Face à un médecin, on est toujours en position de faiblesse: parce qu'on souffre d'une affection plus ou moins grave et éventuellement mortelle.; parce qu'il détient un savoir qu'on n'a pas  et que, si quelqu'un peut nous sauver, c'est lui; parce qu'on est couché et qu'il est debout , comme disait Pierre Desproges. page 208
 
...Les femmes devaient souffrir en mettant leurs enfants au monde pour expier le péché originel. Les guérisseuses les soulageaient  avec  de l'ergot de seigle, dont sont encore dérivés,  de nos jours, certains médicaments  administrés pendant et après  l'accouchement. Nombre de plantes qu'elles utilisaient  font aussi partie de la pharmacopée moderne . " Ce  furent les sorcières qui développèrent une compréhension approfondie des os, des muscles, des plantes, des médicaments, alors que les médecins tiraient encore leur diagnostic  de l'astrologie. " Nous avons des preuves abondantes du fait que les prétendues "sorcières " figuraient parmi les personnalités les plus profondément scientifiques de leur temps. " Les associer au Diable signifiait qu'elles avaient outrepassé le domaine auquel elles étaient censées se cantonner  et empiété sur les prérogatives masculines.  page 218

Le mouvement qui a voulu tuer les sorcières, inconsciemment bien sûr, est aussi celui qui, plus tard, a fait naître Voltaire, Montesquieu  et Kant" page 222
 
 
 

1 commentaire:

Annwn a dit…
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