mercredi, juillet 31, 2019

CHINA DREAM ( Ma Jian) 2019

"Le rôle de l'écrivain consiste à sonder les ténèbres et par-dessus tout la vérité. J'ai écrit ce roman  motivé par ma colère contre les fausses utopies qui asservissent et infantilisent la Chine depuis 1949".
 
Mélangeant fiction et réalité, le nouveau roman de Ma Jian dresse le portrait de la Chine d'aujourd'hui livrée au "rêve chinois" du président Xi Jinping et à l'amnésie imposée par l'Etat. Sous les allures d'une fable cruelle, l'auteur dévoile l'une des facettes les plus implacables de la tyrannie qui consiste à tenter d'effacer la mémoire, à éradiquer tout événement passé qui pourrait gêner la marche du pouvoir. Un chef - d'oeuvre de subversion et de  drôlerie.
 
Les utopies mènent toujours aux dystopies et les dictateurs finissent invariablement par se changer en dieux exigeant une adoration quotidienne. page 10
L'expression "lavage de cerveau" a été inventée par les communistes de Chine....Des décennies d'endoctrinement, de propagande, de violence et de tromperie ont rendu le peuple si apathique et confus qu'il ne sait plus différencier les faits de la fiction.  Les gens ont fini par gober que le miracle économique national était dû aux chefs du Parti et non aux légions de travailleurs sous-payés.  page 11
 
Maintenant que ses souvenirs d 'enfance refoulés ont commencé  à refaire surface, Ma Daode, qui a grandi pendant la Révolution culturelle, haut fonctionnaire chargé de promouvoir le rêve chinois, qui remplacera tous les rêves privés, a peu que son travail soit mis en péril. Son moi passé et son existence présente sont aussi opposés que l'eau et le feu. page 16
 
Son autre téléphone sonne. "Bonjour Monsieur le directeur Ma. Ceci vient d'apparaître dans la section commentaires du site du rêve chinois: " Pendant la réunion u matin, ils ronflent; le midi, ils rotent, l'après-midi, ils baillent; pendant les heures supplémentaires, ils jouent; le soir, ils couchent avec des putains,; la nuit, ils rentrent et battent leur femme...." page 24
 
Avant la création de la République populaire de Chine, en 1949, nous avons subi cent ans d'humiliations: l'incendie du Palais d'été au viol de Nankin, nous avons été battus, persécutés et massacrés par les impérialistes occidentaux. Puis le Président Mao a pris le pouvoir et proclamé que le peuple chinois ne se laisserait plus faire. Aujourd'hui, après soixante ans sous le régime communiste, le peuple chinois fait la course en tête. page 34
 
La Présidente de la Division des Femmes parle avec un fort accent rural.  Autrefois,  gynécologue au Bureau du Planning Familial,  du comté, elle avait reçu le titre d'"Employée modèle" en réalisant  soixante-quatre avortements le même jour. page 38
 
"Remplacer les rêves personnels par le Rêve Chinois collectif constitue l'objectif principal de notre parti." dit le maire Chen. page 44
 
" C'est moi, Genzai. "dit le jeune homme. Il s'approche de lui. " "Attendez, c'est vous le vieux Ma? Comment avez-vous fait pour engraisser autant? "...
- Ah,  Genzai, c'est toi! dit Ma en adoucissant le son de sa voix dans l'espoir de se faire mieux voir. Ton cher père , le vieux Yang, était comme un père pour moi. Il se porte bien, j'espère.
- Père m'a dit  que depuis que vous êtes devenu fonctionnaire municipal, vous avez oublié  vos vieux amis de Yaobang.....Comme dit le proverbe, :"Quand tu bois de l'eau , n'oublie jamais qui l'a puisée". page 73
 
(Da est dans son village natal, celui-ci doit être rasé et les habitants se rebellent) "Inutile de discuter avec des fonctionnaires corrompus comme vous, dit l'informateur  à la casquette rouge. Vous ne comprenez pas: si nous ne pouvons cultiver nos terres, nos tracteurs et nos charrues vont rouiller jusqu'à l'os;
- Toi, tu te gaves de mets raffinés maintenant, Ma Daode, mais nous ne sommes que de modestes paysans. Si tu confisque notre terre, nous n'auront plus rien. Comment veux-tu que nous achetions des maisons dans le nouveau village avec la maigre compensation que tu nous offres?  page 76
"Arrêtez de vous accrocher à vos pauvres rêves de clans, répond le directeur Ma. Embrassez le Rêve chinois, puis le Rêve Global et le monde sera à nous; Vous pourrez partir en Europe et vivre dans le château ou la propriété de votre choix."
- "Vous croyez que vous pouvez nous avoir avec ces conneries" hurle Genzai.  page 78
"Mes chers compatriotes, je m'appelle  Ma Daode et j'ai passé quatre ans ici durant la Révolution culturelle à travailler dans les champs et enseigner à l'école du village.  Avant cela, durant la Grande Famine, j'ai vécu ici avec mes parents pendant six mois. J'aime ces montagnes et ces rivières autant que vous...Je ne suis pas venu ici pour vous forcer à évacuer, ce n'est pas mon rôle. Non, je suis simplement venu vous prévenir que l'équipe de démolition arrive à midi. Si vous résistez, vous devrez subir les conséquences: la misère, la perte de vos logements, et même la mort. Mais si vous partez sans violence et accepter d'être temporairement relocalisés ailleurs, des centaines de postes vous tendront les bras sur la nouvelle zone industrielle. Le Rêve Chinois de Renouveau National sera en marche! Mes chers compatriotes".
- N'essaie pas  de nous entourlouper!...page 84

(Da rentre chez ses parents: il se souvient). Sur une chaise, dans un coin d e la pièce, se trouvait une  pancarte sur laquelle on pouvait lire: A BAS LE VILAIN DROITIER MA LEI et un grand bonnet d'âne. Mon père assis sur son lit, à la lumière d'une lampe, écrivait une lettre. Ma mère arrive avec une bassine pleine d'eau chaude stérilisée au permanganate de potassium violet. Elle a dit à mon père d' étendre les jambes. Ses rotules ensanglantées étaient criblées d'éclats de charbon. Ma mère m' a murmuré: " Viens m'aider à lui maintenir les genoux, Daode. " mais je l'ai ignorée. Elle a lavé les genoux de Père avec  de l'eau  désinfectée ....Mon père tremblait de douleur, mais il n'a pas laissé échapper le moindre son....Cet après-midi là, les Gardes Rouges l'avaient forcé à s'agenouiller  sur des charbons ardents. j'avais dressé une barrière politique entre ce vieux  droitier du nom de Ma Lei  et moi, et je ne pouvais pas me permettre  d'aider ma mère à panser  ses plaies. page 108 (le lendemain matin , son père et sa mère sont retrouvés suicidés dans le grenier) pages 107, 108

( Des souvenirs lui reviennent) ma famille et moi avons vécu à Yaobang pendant seulement six mois.  durant la Grande Famine et je n'avais que huit ans, mais quelques souvenirs me reviennent encore parfaitement. Je me souviens des villageois qui pelaient l'écorce des arbres et la mangeaient pour ne pas mourir de faim et je me souviens d'avoir vu la mère de Tianmu, la petite fille avec laquelle je me rendais à l'école du village, assise sur le perron  de sa maison , raide morte, les mains encore agrippées à un bol vide  page 120
 
Il (Ma) a besoin de quelques instants de paix pour décider quoi faire au sujet du conflit interne. " Oui, je dois tuer l'un des deux moi. Le moi du passé, bien entendu. Mais comment éradiquer le passé? Mon  Implant du Rêve Chinois ne sera pas fabriqué avant des mois. Je ne peux pas attendre  si longtemps: ces deux Daode se livrent un combat acharné et finiront par se détruire avant que cela arrive. ...." page 134
 
Il ne supporte plus le moi adolescent  qui s'immisce dans ses pensées, car à cause de lui, il a perdu sa voiture avec chauffeur et il a été suspendu. "Si je ne détruis pas mon moi du passé, je vais tout perdre". page 153
"Quand l'Orient Rouge m'a pris sous son aile, j'ai coupé les ponts avec ma famille et j'ai dévoué tout mon être au Président Mao. Même si je rentrais parfois en douce chez moi, pour un repas chaud et une bonne nuit  de sommeil, je n'ai plus adressé la parole à mes parents, même pas le dernier soir qu'on a passé ensemble avant qu'ils se donnent la mort. "page 178
"Mon père a été condamné et roué de coups de nombreuses fois dans les mois qui ont suivi, tout comme des millions d'autres personnes, mais elles ont su garder espoir. Le jour où on m' a demandé de rentrer, pourquoi mes parents  ne nous ont-ils pas prévenus, ma sœur et moi, qu'ils allaient se suicider? Bien sûr, mon père ne s'est jamais remis de ma trahison, lorsque j'ai demandé aux Gardes Rouges  de saccager notre maison.." Ma Daode se  sent pris de remords . Il aimerait s'approcher de ses parents et les serrer dans ses bras. page 185
 

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