mercredi, juillet 24, 2019

L'ENVOL DU MOINEAU ( Amy Belding Brown) 2019

D'après des faits réels, le superbe  portrait d'une femme découvrant la liberté au milieu des Indiens.
 
Colonie de la baie du Massachusetts, 1672, Mary Roswlandson vit dans une communauté de puritains, venus d'Angleterre. Bonne mère, bonne épouse, elle souffre néanmoins de la rigidité de la morale étouffante qui règne parmi les siens. Si elle essaie d'accomplir tous ses devoirs, elle se sent  de plus en plus comme un oiseau en cage. Celle-ci va être ouverte d'une façon violente lorsque des Indiens attaquent son village et la font prisonnière. Mary doit alors éprouver  le quotidien terrible de  cette tribu en fuite, traquée par l'armée. Contre toute attente, c'est au milieu de ces "sauvages" qu'elle va trouver une liberté qu'elle n'aurait jamais imaginée. les mœurs qu'elle y découvre , que ce soit le rôle des  femmes, l'éducation des enfants, la communion avec la nature, lui font remettre en question tous ses repères. Et pour la première fois, elle va enfin se demander qui elle est et ce qu'elle veut vraiment. Cette renaissance pourra-t-elle s'accoutumer d'un "retour à la normale", dans une société blanche dont l'hypocrisie lui est devenue insupportable?
 
Cette magnifique épopée romanesque, inspirée de la véritable histoire de Mary Roswlandson, est à la fois, un portrait de femme bouleversant et un vibrant hommage à une culture bouillonnante de vie, que la "civilisation"  s'est efforcée d'anéantir.
 
Seize ans durant, Mary s'est efforcée d'être une bonne épouse loyale et pieuse pour Joseph Raswlandson. elle a soumis sa volonté à la sienne, accepté ses corrections et régulièrement uni son corps au sien dans le lit conjugal. Elle avait vingt ans lorsqu'ils se sont mariés, dix-sept lorsqu'elle l'a rencontré pour la première fois; page 28
 
Mary avait deux ans  quand sa famille a quitté l'Angleterre en 1639, lors de la grande migration des puritains en Nouvelle -Angleterre, fuyant l'apostasie du roi Charles. page 28
 
Il ( son mari) lui rappelle qu'une femme doit se soumettre à son mari en toutes choses puis l'avertit que si elle s'avise de lui désobéir de nouveau, il la fera mettre au pilori devant le temple. âge 40 
 
Et puis Mary dit ce qu'elle  n'a jamais osé dire en présence de Joseph (son mari) "Si la menace indienne est effectivement le châtiment divin de Lancaster, je suis convaincue qu'il n'a pas été causé par le péché de  Bess, (elle a eu un enfant dont le père est un esclave noir) ;mais par notre manque de compassion envers elle. page 55
 
( le village a été envahi et brûlé par des Indiens, Mary est capturée)
Son ravisseur l'observe et prononce un torrent de mots incompréhensibles. Elle pose un regard interrogateur sur le grand Indien. " Kehteiyomp dit que vous n'êtes plus importante désormais, lui explique - t-il. Vous ne devez pas oublier que vous êtes une esclave".
Une esclave. Le mot lui fait l'effet d'un coup de fouet.  Elle pense immédiatement à Bess et à son amant, un esclave, à l'enfant qui lui a été arraché. Elle se souvient de Bess affirmant que l'esclavage était un mal terrible aux yeux de Dieu, ce à quoi elle avait répondu que c'était au contraire, la volonté divine. A présent, le jugement de Dieu s'est abattu sur elle avec une punition taillée sur mesure. Elle-même réduite en esclavage; elle s'apprête à découvrir les rigueurs de cette vie. page 80
 
Lorsque Weetamoo a fini d'allaiter, elle place l'enfant sur ses genoux et joue longuement avec lui. Mary est incapable de détourner son regard. Elle n'a jamais vu une femme s'occuper d'un enfant avec une telle tendresse. On lui avait appris, alors qu'elle n'était elle-même encore qu'une enfant, qu'une femme doit se garder de se montrer trop affectueuse envers son bébé, au risque de mettre son âme en péril. Aussi a-t-elle toujours pris soin de limiter les marques de tendresse envers ses enfants en public. Elle se souvient pourtant de nombreuses fois où elle les avait dorlotés en secret, lorsqu'elle était certaine que personne ne la voyait. Elle savait alors qu'elle commettait un péché. ...page 95
 
Mary sait que le chagrin est un péché. Joseph a souvent prêché contre ses dangers, réprimandant les fidèles pour leurs attachements émotionnels. ( Mary  a  vu mourir sa fille Marie dans ses bras). page 105

Mary se lave désormais chaque jour, d'abord à la demande d'Alawa, et finalement de son plein gré, car elle en est venue  à apprécier ce rituel, qui l'apaise et la détend. page 118

Elle est surprise  par la fréquence  à laquelle Weetamoo la laisse vaquer à ses propres occupations Elle doit se douter que Mary  sait qu'elle ne pourra survivre seule dans la forêt assez longtemps pour retrouver le chemin de chez elle. Cette indifférence permet à Mary  de jouir d'une liberté peu commune. Durant toute sa vie, elle a vécu sous une surveillance constante, et l'on attendait d'elle travaille u lever au coucher. On lui a appris que l'oisiveté est un péché, et elle a longtemps résisté à sa tentation . Pourtant, dans sa nouvelle position d'esclave, elle n' souvent autre choix que s'y adonner.
Petit à petit, Mary découvre dans cette oisiveté une  étrange dilatation du temps et une conscience  de plus en plus grande du monde naturel. Elle commence à observer les oiseaux...Elle remarque les changements dans les nuages, l'inclination des rayons du soleil....A présent, elle prend conscience que les arbres, les oiseaux, les nuages et les animaux possèdent un sens qui leur ait propre; qui ne dépend en rien des activités humaines. pages 119, 120
 
Mary remarque que, quelle que soit la nourriture qu'ils dénichent, les hommes et les femmes la partagent généralement avec tout le monde, y compris les captifs. Elle trouve cela curieux, ayant toujours pensé que la loi de la nature fait qu'un homme ou une femme affamés ramasseront autant de nourriture que possible en période de disette. Elle est frappée de constater que, parfois, les Indiens se comportent comme des chrétiens, bien qu'ils n'aient pas baptisés. C'est une énigme troublante à laquelle elle réfléchit souvent en tricotant, sans jamais n'être parvenue à l'élucider. page 149
 
Bien que les Nipmucs m'aient capturé, je peux marcher librement, car ils savent que l'esprit d'un homme est libre et qu'il se flétrira si on l'enferme. ( James) page 163
 
 
Elle sait que Joseph lui dirait que cette nouvelle opportunité ( on lui demande de confectionner une chemise pour un bébé)  est le signe de la grâce divine, mais Mary a si peu senti le soutien de Dieu depuis sa capture, qu'elle en est venue à croire, comme Ann Joslin, qu'Il est absent des terres sauvages. page 174

"Je veux retrouver ma liberté".
- Comme cela, ne jouissez-vous pas d'aucune liberté, ici? ( James)
Il y a une nuance inhabituellement dans  sa voix.
" Réfléchissez. Lorsque vous viviez parmi les Anglais, aviez-vous le droit de vous balader à votre guise dans le village? Aviez-vous assez de temps libre pour bâtir votre propre commerce? N'étiez-vous pas constamment sous surveillance? Ne travailliez-vous pas pour votre mari du lever au coucher? "
Elle ne sut que répondre, car il exprime exactement les pensées qui, depuis des semaines, se bousculent dans son esprit. page 184

Jusqu'à présent, elle n'avait observé que le désordre et la malveillance dans les terres sauvages. Comme sa mère et son père avant elle, elle a toujours cru que c'était un lieu abritant le mal et le danger. Pour la première fois, elle se sent captivée par sa beauté. Elle perçoit quelque chose de mystérieux et de saint  tapi derrière le chaos apparent de la forêt. page 188
 
"La bonté rachète nos cœurs, qu'on nous en soit reconnaissant ou non" (Mary)
- "C'est également ce que je pensais dans ma jeunesse. Mais le chagrin est arrivé avec les Anglais et a contaminé nos terres. Nous devons apprendre de nouvelles vérités ou mourir" Ce disant, il ( James) contemple les arbres bourgeonnants derrière Mary, comme s'il pouvait lire le futur dans leurs branches. page 212

Elle est convaincue d'avoir trop changé pour pouvoir un jour se réadapter à la société anglaise. Le monde sauvage, qui lui semblait une abomination avant sa captivité, est devenue sa maison....Elle appris à vivre une vie nouvelle et libre, à faire preuve d'initiative et vivre en ne comptant que sur elle-même. page 222
 
"Vous ne pouvez pas échapper à votre destin, Chikohtqua" Elle perçoit la gentillesse dans sa voix, la compassion qui y a toujours résidé. " Aucun de nous ne le peut. je sais  que vous voulez rester ici. Mais il n'y a aucune vie possible pour vous ici. Il n'y a pas de nourriture, pas de village où vivre en sécurité. le mode de vie indien est en train de s'évaporer comme la brume matinale".
Elle se tourne face à lui (James)  en hochant la tête pour lui signifier qu'elle ne comprend que trop bien ce qu'il ressent. page 231
 
( Mary a été libérée moyennant une somme de vingt livres) Un Anglais est venu au lieu de rencontre. )Il l'écoute avec un sourire plein de pitié....."Pardonnez-moi, dit-elle. je crains que cela ne fasse trop longtemps que j'ai parlé à un Anglais."
Il hoche la tête puis il dit: "  Vous n'avez pas demandé  de nouvelles de votre mari"
La phrase lui fait l'effet d'une violente gifle.  page 244
 
"Mary, vous devez manger " Les mots de Maria la tirent brusquement de sa rêverie....C'est fini. Vous êtes libre";
Libre, Clignant des paupières, Mary lève les yeux embués de larmes vers elle. Elle ne se sent pas du tout libre. Elle se sent comme un oiseau qui se serait enfui de sa cage pour qu'aussitôt un chasseur l'attrape dans son filet et lui coupe les ailes. Elle se sent doublement prisonnière, ayant à la fois trouvé et perdu un nouveau monde. page 261

Elle (Mary) gagne peu à peu la certitude que si Dieu a laissé ces terribles épreuves s'abattre sur la Nouvelle-Angleterre, c'est parce qu'ils se sont donnés à l'esclavage. Au lieu de s'examiner eux-mêmes, les Anglais, dans leur ignorance et leur stupidité , ont cru que tout ce qu'ils faisaient était approuvé de Dieu. page 295

Une fois de plus, elle constate avec stupeur que Joseph ne voit aucune différence entre la volonté de Dieu et la sienne. page 307

Elle ne voit aucune preuve que les Anglais soient davantage le peuple de Dieu que les Indiens, les Irlandais ou les Espagnols, mais aucune réponse valable ne lui vient  à l'esprit. page 324
 
Mais Mary est incapable d'obéir...." Il n'y aura jamais d'esclave dans ma maison. Pas tant que je vivrai! C'est le plus grand des péchés" page 351
 
"Je m'inquiète, cependant, qu'ils manquent de nourriture et de vêtements. Ils ne semblent pas s'être remis de leur calvaire.
- Quel calvaire?
Joseph fronce les sourcils. " Parles-tu de leur reddition? Ce sont des Indiens, Mary.  S''ils souffrent  de la faim, c'est le moindre mal qu'ils méritent. ...Nous , les Anglais, sommes un peuple pacifique. Nous avons toujours traité les païens d'une manière juste." page 382
 
"Tout n'est pas un signe de Dieu. Certains  événements arrivent sans raison" (Jos le fils de Mary et de Joseph

La vérité, c'est qu'elle éprouve un sentiment de liberté inattendu depuis la disparition de son mari ( Joseph) . A mesure que les jours passent, elle accepte  avec une certaine satisfaction son statut de veuve.  page 424

Mary sait qu'elle ne pourra profiter de son statut de femme seule pendant très longtemps sans éveiller l'inquiétude de ses voisins. Dans la colonie du Connecticut, comme dans la baie du Massachusets, la loi exige que chaque homme, femme et enfant vive au sein d'un foyer bien ordonné, dirigé par un homme.  page b425

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