vendredi, mai 06, 2022

CONNEMARA Nicolas MATHIEU) 2022

 Hélène a bientôt quarante ans. Elle est née dans une petite ville de l'Est de la France. Elle a fait de belles études, une carrière, deux filles et vit dans une maison d'architecte sur les hauteurs de Nancy. Elle a réalisé le programme des magazines et le rêve de son adolescence: se tirer, changer de milieu, réussir. Et pourtant, le sentiment de gâchis est là, les années ont passé, tout a déçu. Christophe, lui, vient de dépasser la quarantaine. Il n'a jamais quitté ce bled où ils ont grandi avec Hélène. Il n'est plus si beau. Il a fait sa vie à petits pas, privilégiant les copains, la teuf, remettant au lendemain les grands efforts , les grandes décisions, l'âge des choix. Aujourd'hui, il vend de la bouffe pour chien, rêve de rejouer au hockey comme à seize ans, vit avec son père et son fils, une petite vie peinarde et indécise. On pourrait croire qu'il a tout raté. Et pourtant, il croit dur comme fer que tout est encore possible. Connemara c'est une histoire des comptes qu'on règle avec le passé et le travail aujourd'hui, entre PowerPoint et open space. C'est surtout le récit de ce tremblement au mitan de la vie, quan le décor est bien planté et que l'envie de tout refaire gronde en nous. Le récit d'un amour qui se cherche par-delà les distances dans un pays qui chante Sardou et va voter contre soi. 

Hélène avait fait un effort pour sourire.  Une génération à peine la séparait de Lison, et déjà, elle ne comprenait plus rien aux usages amoureux qui avaient  cours. En l'écoutant, elle avait découvert les possibilités de rencontres, la durée des relations, l'intérêt qu'on se portait ensuite, l'enchaînement des  histoires, la tolérance pour  les affaires simultanées, le tuilage, ou la synchronicité des amours, les règles en somme, de la baise et du sentiment avaient  subi des mutations  d'envergure. page 18

Avec Manuel, ils avaient tout d'abord repris de vive voix  nombre de propos tenus virtuellement , comme pour se vérifier, l'un finissant les phrases de l'autre,  dans ce drôle de moment où chaque parole faisait un peu figure de mot de passe....Page 54...Au troisième verre, la situation s'était encore gâtée quand Hélène reconnut  une meuf en terrasse, qui avait fréquenté  le même collège qu'elle autrefois. Sonia Magin, une blonde  à la peau rosée, orpheline de père  à douze ans, qui fumait déjà en cinquième et comptait  quatre grands frères plus azimuts les uns que les autres. page 55

Elle consulta sur Facebook les profils des uns et des autres pour voir ce qu'ils étaient devenus. Beaucoup avaient grossi, les hommes perdaient leurs cheveux, les femmes aussi en fait. Tous faisaient mine d'être heureux...page 62

A treize ans, Hélène est une petite bêcheuse. C'est en tout cas ce que pense sa mère , parce qu'elle ne veut rien foutre à la maison. , qu'elle parle mal, corrige ses parents quand ils font une faute de français, se met en colère pour un oui ou pour un non et vit dans une bulle où Jim Morrison et Luke Perry occupent la meilleure place. page 65

Mireille ( mère d'Hélène) est une femme énergique aux cheveux courts, incapable de prendre un gramme et dont les yeux clairs jettent continuellement des éclairs d'exaspération, notamment sur ceux qui n'ont pas la chance d'être aussi énergique qu'elle, les empotés, sa fille. Elle a quitté l'école à quatorze ans, bossé dans une filature,, puis s'est élevée au poste de secrétaire dans les bureaux, à force de cours du soir. C'est ainsi qu'à vingt-quatre ans, elle a pu intégrer une étude notariale. Elle en tire un orgueil libéral même si ses journées consistent à  trier des papiers et répondre au téléphone. ..De ce fait, elle est plus ou moins convaincue d'être l'intellectuelle de la famille, et considère son mari, Jean,  avec un rien de condescendance. Ce dernier ne s'en formalise pas. Il admet cette domination qui se compose ailleurs et lui évite d'avoir à se taper tout ce qui relève de la paperasse...Page 70

Les parents d 'Hélène ont voulu que celle-ci  fréquente un bahut privé parce que cet établissement a  le double avantage de se trouver à proximité de l'étude où bosse Mireille et d'accueillir les gosses des notaires qui l'emploient. page 79

Pourtant, on s'aime dans cette maison, mais de cette manière maladroite et contrariée, où le manque de mots  se compense  par la profusion de dépenses. Parce que si Gérard se casse le cul douze heures par jour dans s a boutique, ce n'est pas pour se serrer la ceinture...Quant à Sylvie, elle donnerait un bras pour le bonheur de ses enfants. Elle veille d'ailleurs à leur réussite scolaire, avec un succès mitigé toute fois. page 108

Hélène n'était certes plus de ce monde des rouspétances où elle avait grandi et qui la dégoûtaient un peu à présent.  D'ailleurs, elle ne rendait plus visite à ses parents qu'aux occasions indispensables, Noël et la bonne année, une fois l'été, leur montrer les filles et les leur laisser une semaine au bon air des Vosges. Mais , malgré elle, elle conservait en soubassement des réflexes de gagne-petit, une sorte d'instinct de cocu qui faisait voir tout de suite la stupidité des ordres verticaux...page 135

Aucun commentaire: