samedi, septembre 22, 2007

UNE PASSION INDIENNE (Javier Moro)

(C'est l'arrivée à Bombay, Anita, Mme Dijon et Lola vont prendre le train) (histoire vraie au début du xxè)
Les wagons sont bondés. les gens s'agrippent désespérement aux fenêtres et aux portes pour ne pas rester à terre. Ils emportent même des poules et des chèvres dans leurs bras. Les hommes grimpent aux couchettes supérieures et s'efforcent de trouver un endroit pour s'asseoir, formant de gigantesques grappes humaines. Les cris sont assourdissants, mais il n'y a pas d'animosité, seulement de la cohue et dela joie.
Les Blancs voyagent dans des wagons aussi confortables que ceux des plus grands express européens, de l'intérieur, on entend à peine le brouhaha qui règne de l'autre côté des stores vénitiens.
Puis, il y a les wagons des rajahs, le comble du luxe, réservés seulement à leurs propriétaires. Le train spécial du Kapurthala, peint en bleu et portant l'écusson du règne, attend sur une voie pour prendre ses passagers. Le wagon est entièrement à la disposition des trois femmes, avec de grands lits, des salles de bains et une douche, ainsi qu'un petit salon qui sert de salle à manger. Les murs sont en acajou, les lampes en bronze, la porcelaine anglaise et l'ensemble est tapissé de velours bleu et argent. page 59, 60
Les Anglais ont pu unifier le sous-continent grâce à une politique habile d'alliances et au miracle d'une invention moderne: le chemin de fer. Dans les gares importantes, le chef est habituellement un Anglais qui porte l'uniforme de son pays et qui, à grands coups de sifflet, donne ordre aux convois de circuler ou de s 'arrêter. page 60
La femme européenne incarnait le mystère, l'émotion et le plaisir qu'offrait l'Occident, un nouveau monde que les princes désiraient s'approprier. En outre, la provocation que représentait le fait de séduire une femme blanche était une métaphore des relations ambivalentes- mélange d 'admiration et de rejet- entretenues avec le pouvoir britannique. Cela faisait partie de la conception indienne de l'amour romantique, où des amants sont capables de défier la barrière des castes et des religions pour satisfaire la passion. Qui plus est, la femme blanche a sa place dans le Kama-Sutra. La maîtresse doit venir de loin, d'un autre règne, ou au moins, d'une autre ville. Cette conception particulière de l'amour distingue la femme-mère , celle qu'on épouse, de la femme-maîtresse, celle avec qui on s'amuse et avec qui l' on jouit des rapports sexuels...Dans la mythologie indienne, donner du plaisir sexuel élève, tandis que mettre au monde les enfants, même si on les considère purs et sacrés, souille la femme qui doit ensuite se soumettre à des purifications. page 154
Les Anglais étaient déconcertés et furieux..Cette passion pour les femmes blanches troublait l'ordre social. L'union entre Européennes et princes indiens impliquait une égalité physique et émotionnelle qui mettait en doute la hiérarchie raciale et sociale de l'empire. Or, cette hiérarchie était le reflet du système de castes, où chacun connaît sa place et où nul ne la remet en question.page 156
Dans le temple d'Or, les prêtres (silks) donnent à l'enfant le prénom d'Ajit suivi du nom Singh, qu'il partage avec ses six millions de coreligionnaires. La cérémonie , très simple, consiste à faire boire aux assistants, dans une coupe de métal, de l'eau mélangée à du sucre par un sabre à double bord. Ce mélange de douceur et d'acier dont on verse une goutte aussi sur les lèvres de l'enfant est appelé "amrit" "nectar de vie". En même temps,un prêtre entonne les versets du baptême: "Tu es le fils de Nanak, fils du Créateur, l'élu, etc...Tu aimearas sans dictinction de castes, ni de croyances. Tu n'adoreras ni la pierre, ni les tombes, ni les idoles....page 184
Ce sont les premières gouttes si grosses qu'elles font un bruit sourd en s'écrasant. Tout à coup, un éclair secoue la villa, réveille l'enfant et fait trembler violemment toutes les tuiles. "La mousson est arrivée"! entend-elle. La première pluie est d'une exceptionnelle intensité. Le bruit de l'eau sur le toit est assourdissant. Au bout d'un instant, un vent léger traverse le rideau d'eau chaude, apportant une caresse de fraîcheur. Anita et Lola se précipitent dans le jardin. Le rajah est sorti également et se trouve devant la fontaine de l'entrée, les bras en croix, le turban dégoulinant. Il reste là à se faire tremper, en riant au ciel qui se vide. Derrière la maison, les domestiques participent à cette fête, sautent et chantent comme des enfants. Comme s'il n'y avait plus de castes, ni de différences entre maîtres et domestiques, entre riches et pauvres, entre sikhs et chrétiens. Comme si soudain, les hommes, abattus depuis des jours, revenaient à la vie. Même les palmiers en tremblent d'émotion. L'explosion de joie traverse les campagnes et les villes du Penjab. Dans les casernes, les soldats, après avoir été si longtemps paralysés, se mettent à danser eux aussi, tous nus et trempés.page 195
Devant une foule d'étudiants, de notables, , de maharajahs et de marahanis, tous vêtus de costumes fastueux, Gandhi fait son apparition habillé d'un pagne en coton blanc..."Il n'y aura pas de salut pour l'Inde tant que vous n'ôterez pas ces bijoux et que vous ne les remettrez aux pauvres..."
.Une partie de l'audience s'indigne. Sur fond de murmure général de désapprobation, résonne la voix dun étudiant: "Ecoutez-le, écoutez-le." Mais les princes trouvent qu'ils en ont suffismment et abandonnent la salle. "Il ne peut y avoir d'esprit d'indépendance si on vole aux paysans le fruit de leur travail.. Quel pays peut-on construire de cette façon?
-Taisez-vous! crie une voix.
-Notre salut viendra des paysans. Il ne viendra pas ni des avocats, ni des médecins, ni des riches propriétaires-Je vous en prie , arrêtez! supplie l'organisatrice de l'événement, l'Anglaise, Annie Besant.
-Continuez! crie-t-on ailleurs.
-Assieds-toi et tais-to Gandhi, s'exclament d'autres.Page 347
Gandhi ne cesse de s'élever contre la pauvreté du pays; il a lancé un slogan qui peut marquer la fin d'une époque: " Pas de coopération ". Ses appels au boycott de tout ce qui est britannique - collèges, tribunaux, honneurs -, trouvent un écho toujours plus grand parmi la population. page 377

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