ABD EL -KADER, Le combat et la tolérance. (Yahia Belaskri)
"Ne demandez jamais l'origine d'un homme, interrogez plutôt sa vie, ses actes, son courage, ses qualités et vous saurez ce qu'il est. Si l'eau puisée dans une rivière est saine, agréable et douce, c'est qu'elle vient d'une source pure. " Abd El -Kader
"Il fallait la plume d'un écrivain algérien pour rendre toute son humanité au père de la nation et lui restitue sa puissance et sa gloire. Dans ce livre richement illustré, Yahia Belaskri retrace avec délicatesse la vie aventureuse et le destin exceptionnel d'Abd El -Kader ( 1808- 1883), fougueux nationaliste qui défend sa patrie agressée par les premiers colonialistes, intraitable chef de guerre, il est attentif au sort de ses ennemis; homme de foi musulmane, il proclame que la religion doit rester dans la sphère privée: homme de culture, il professe le respect des autres et de soi-même...Un exemple pour la laïcité malmenée d'aujourd'hui.
Le 6 juillet 1966, les cendres de l'émir Abd El-Kader, réclamées par le gouvernement algérien à la Syrie, arrivent sur le territoire algérien...Ainsi, 4 ans à peine après l'indépendance , l'émir Abd El-Kader faisait irruption dans la vie des Algériens, et de la mienne, par conséquent. page 7
...Il continue ses études. Dans la medersa de son père, le jeune homme dispose de multiples ouvrages sur la philosophie, les arts et les sciences, une bibliothèque dont il héritera plus tard et qu'il enrichira. Son temps libre est consacré aux chevaux et à la chasse. La vie s'écoule entre menaces du bey d'Oran et agitation dans les tribus qui n'en peuvent plus du joug imposé par la régence d'Alger . page 19
Rien ne préparait le fils de Muhui ed- Dine à devenir émir, encore moins à prendre les armes et devenir chef de guerre....Les troupes françaises débarquent à Sudi Ferruch le 14 juin 1830, le dey capitule le 4 juillet et Alger de vient possession française. Les troupes françaises entreprennent ensuite de conquérir l'ensemble du territoire, même si , au départ, rien n'était prévu en ce sens. ..L'arrivée de l'armée française s'accompagne d'actes de vandalisme et de destruction...page 25
Il (Abd El-Kader) établit sa capitale à Tagdempt, une petite ville nichée au milieu des montagnes. Il entreprend d'installer une manufacture d'armement... Il frappe aussi monnaie, symbole de souveraineté. Les tractations avec Bugeaud se concluent par un traité le 30 mai 1837, appelé "traité de la Tafna" page 35
Rassuré et légitimé, il continue son œuvre de construction d'une administration fiable et efficace, consolide son armée, acquiert des armes et des munitions, lève des impôts, constitue des réserves en alimentation, poursuit les tribus qui le trahissent , surtout celles qui se sont soumises à lui puis ont collaboré avec les Français. Avec ses hommes, il met en place des expéditions punitives, châtie, condamne, confisque biens et bétails. Il pacifie toute la province, sans jamais cesser de lire, et méditer lorsqu'il en a le temps, ou rendre visite à El Guelna le lieu de la zawiya tenue par son frère. Il rencontre les populations de Kabylie et de l'Est. Il est reçu avec respect par les chefs tribaux, les sages, les marabouts; il leur explique les desseins de la puissance coloniale française, les mobilise autour de la foi musulmane. Il trouve partout une oreille attentive, une adhésion à son argumentaire, mais pas de soumission. page 36
Au fil des mois, il étend la souveraineté de la France sur d'autres villes....Bien informé par ses espions et interprètes des enjeux discutés dans les sphères du pouvoir à Paris et auprès du gouverneur général à Alger, Abd El-Kader comprend que les généraux français tiennent un double langage et veulent en finir avec lui. Il réunit tous ses lieutenants , les chefs de tribus et les cavaliers et ordonne un assaut contre les positions françaises dans la Mitidja pendant le mois de Ramadan.1840...L'une des mesures prises par Bugeaud est le port obligatoire par les Algériens , en zone française, d'une médaille hexagonale en fer blanc portant les inscriptions , en arabe et en français: "Arabe soumis"....Le 26 mai 1841, Bugeaud détruit Tagdempt, la capitale de l'émir. C'est à ce moment que celui-ci entreprend la mise en place 'une ville mobile: la smala....La smala tombe entre les mains des militaires le 16 mai 1843. pages 40, 41, 42
En 1844, 1845, pour mater les rébellions...les officiers Eugène Cavaignac, Armand de Saint- Arnaud et Aimable Pélissier commettent d'abominables crimes contre les paysans, notamment l'épisode des enfumades qui soulève l'ire de plusieurs personnalités. page 45....Pélissier assume en disait "la peau d'un de mes tambours avait plus de prix que la vie de tous ces misérables., quand Saint-Arnaud éructe : " je ne laisserai pas un seul arbre debout dans leurs vergers, ni une tête sur les épaules de ces misérables arabes...Je les brûlerai tous et les tuerai tous". page 47
Après un échange à distance , avec le général Lamoricière, il dépose les armes le 23 décembre 1845 auprès du colonel Montauban qui lui rend les honneurs et l'escorte...Dans sa demande , Abd El-Kader demandait à être conduit en terre d'islam. page 49
Avec quatre-vingt-dix-sept personnes de son entourage, il embarque vers Oran...Au milieu de la tra
versée, il apprend que le vaisseau ne prend pas la direction de l'est, vers Alexandrie mais se dirige vers les côtes françaises. Le choc est brutal pour lui qui pense que la parole donnée est sacrée. Il se sent trahi page 51
Fils de marabout, ayant reçu une éducation forgée dans la religion musulmane, appartenant à une confrérie soufie réputée, Abd El-Kader n'envisage aucun de ses actes en dehors de la soumission à Dieu. Tous ses actes et ses propos sont à comprendre à l'aune de sa piété....C'est un musulman convaincu et instruit qui vient à la guerre, estimant que c'est là son devoir. la résistance à l'occupation de son pays est constamment placée sous le signe de l'obéissance à Dieu , dans la défaite comme dans la victoire. page 55
Louis Veuillot , journaliste et catholique zélé qui accompagnait Bugeaud en 1841, à Alger, écrit:" Les derniers jours de l'islamisme sont venus, notre siècle sera probablement destiné à le voir quitter les rivages de l'Europe, non seulement de cette vieille Europe qu'il a jadis envahie et si souvent menacée, mais de cette Europe nouvelle et agrandie qui est née partout où l'Europe ancienne a porté la croix....Au xixè siècle, la confrontation entre le christianisme et l'islam est d'actualité. page 56
De manière générale, la grandeur d'âme d'Abd El-Kader est reconnue par tous, adversaires, hommes d'église et observateurs. page 59
Le comportement de l'émir vis-à-vis des prisonniers français fait dire aussi à Saint-Arnaud, admiratif, lui qui s'est rendu coupable de crimes abominables,: " Abd El -Kader nous a renvoyé sans condition, sans échange, tous nos prisonniers..Le trait est beau pour un barbare." page 60
Il débarque à Toulon, avec les quatre-vingt-dix-sept membres de sa famille et de ses amis proches, femmes et hommes. De là, il est emmené au Fort Lamalgue où il reste quatre mois, jusqu'au 12 avril 1848, date de son transfert à Pau. Après un peu de sept mois, il est déplacé à Amboise où il fait son plus long séjour: quatre ans. page 67...Le 16 octobre 1852, il (Louis Napoléon Bonaparte) gagne le château d'Amboise pour annoncer à Abd El -Kader qu'il est libre. Page 73 Le 7 janvier 1853, Abd El-Kader arrive à Constantinople avec sa famille et ses compagnons avant de poursuivre sa route , quelques jours plus tard, vers Brousse....Puis à Damas page 81
Avant d'entreprendre un voyage en France et en Angleterre, où il est reçu en grande pompe, Abd el -Kader est initié à la "loge Saint-Jean ".. à la demande de la Loge Henri IV. C'était le 18 juin 1864 Page 89 Ce n'est que, un an plus tard, que la Loge Henri IV reçoit "leur frère" à Paris. Le 26 août, une foule nombreuse de francs-maçons accourent pour assister à l'événement...Ce n'est qu'en 1877 qu'il rompt avec la franc-maçonnerie, après 10 ans de pratique. Selon Bruno Etienne, il écrivit une lettre dans laquelle il exprimait "sa désapprobation devant l'abandon du Grand Architecte de l'Univers"... Il crut que la franc-maçonnerie pourrait concilier l'Orient et l'Occident ...page 90
L'émir est présent le 16 novembre 1869, à l'inauguration du canal,( de Suez) au milieu d'un aéropage de grands dignitaires. page 99
Fasciné par les progrès technologiques de l'Occident, Abd El-Kader reste lucide dans ses rapports à la religion. Il pointe son absence de spiritualité , du moins, pense-t-il que cette civilisation avancée est-elle tournée vers le matérialisme et s'est éloignée des richesses de l'esprit. c'est ce qu'il dit au colonel Daumas à Toulon: " Vous avez la civilisation, le commerce, les arts, mais vous n'avez pas le chemin du ciel". pour lui, il est possible de concilier les deux, la science et la transcendance...page 101
Abd El-Kader décède dans la nuit du 25 au 26 août 1883 à Damas. Il est inhumé près d'Ibn Arabi, son maître spirituel.
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