jeudi, mars 07, 2019

J.M.G. LE CLEZIO Le nomade immobile ( Gérard De Cortanze)

"Attiré par le désert parce qu'il en attend quelque chose d'humain et par les Indiens parce que nous avons tant à apprendre d 'eux, J.M.G. Le Clézio est un "nomade immobile". Depuis qu'un matin de 1948, un cargo hollandais le mena jusqu'au Nigeria pour retrouver son père qu'il n'a jamais vu, il sait que vie et écriture ne font qu'un. Depuis l'époque où il est allé  chez les Emberas, il est à la recherche d'une cohérence et d'un équilibre philosophique. Des maisons sans murs, un temps qui revient, du bonheur à conquérir, Le Clézio n'est pas un rêveur. Sa littérature dénonce, provoque, combat.
Ce livre, conçu à partir de longues conversations que Gérard De Cortanze a eues avec l'auteur du Procès-verbal, tente de soulever des pans du voile. En suivant à la trace un écrivain qui "n'invente pas mais transmet", cet essai biographique évoque les étapes d'une vie et d'une œuvre qui s'apparentent à une longue quête : celle d'une maison familiale perdue."
 
Jean-Marie-Gustave Le Clézio naît à Nice le 13 avril 1940 - son  frère , Yves-Marie, est né le 18 novembre 1938 - d'un père britannique et d'une mère française. Mon père et ma mère étaient cousins germains, et proviennent, l'un et l'autre, de la même origine mauricienne. L'île Maurice a été colonisée à l'époque de Napoléon, et tous ceux  qui se trouvaient  alors sur l'île ont eu le choix entre prêter serment ou faire ses valises. Mes ancêtres ont prêté  serment au Roi d'Angleterre et sont ainsi devenus citoyens britanniques, ce qui n'a pas eu grande incidence sur mon existence puisque  je suis né  à Nice et y ai passé une partie de mon enfance puis de mon adolescence. page13
 
Au cœur de cette enfance, au cœur de la ville de Nice et de ses alentours, l'événement majeur reste la guerre. Toujours présente, de livre en livre. page 16
Certes, Le Clézio reconnaît que la pauvreté fait remonter en lui de vieilles angoisses venues de   l'enfance - "j'ai  à la fois, la hantise et le dédain de ce qu'on appelle " la dèche" - et constate que "les pauvres l'émeuvent".  Mais cela va au-delà d'une prise de conscience, d'un état qui le touche presque physiquement, la pauvreté pouvant être un  mode de vie, un but  qu'une véritable quête peut permettre d'atteindre: " L'ambition véritable  rejoint finalement le dénuement. Ne rien posséder est une fascina tion. Etre le plus nu possible, être tout tourné vers l'intérieur, ne pas s'attacher aux choses terrestres, voilà ce qu'il faudrait être capable de faire ".  Voilà un thème majeur , chez Le Clézio, que cette recherche d'une pauvreté consentie, que ce  refus de l'abondance inutile.  page 21
 
"Devant la mer, on n'est jamais seul"  dit Le Clézio  dans Voyage à  Rodrigues. Il y a une mystique de la mer. Ses limites sont celles de la vie....La ville est gênante, comme les mots des hommes qui y vivent. La ville dresse un écran entre  l'homme et la vie....La mer, au fond, c'est le désir de  voyage, l'envie et le besoin de quitter la grande ville dont on ne voit jamais la fin. ..."Il fallait que je rencontre des endroits où tout était possible, où je ne me sentirais plus comme dans une arène, où j'aurais l'impression que l'esprit règne".  page 25
 
Le voyage est comme un appel, u n moyen de comprendre ce qui se passe dans le monde moderne. "Partir, il faut partir. Il faut quitter vite, disparaître vers les régions de l'anonyme, vers le possible. partir... Mais pour où? " demande Le Clézio dans l'Extase matérielle. Et il poursuit  , dans Haï, livre de la rencontre avec le monde indien: "Partir, nous voulons partir. Mais pour où? Tous les chemins se ressemblent, tous sont des retours sur soi-même. Alors il faut chercher d'autres voyages". page 27
 
En 1948, l'enfant ne rencontre pas son père, qu'il ne put comprendre. Il est trop différent des adultes qui constituent son cercle intime, sa famille proche. En somme, c'est un étranger , et " même plus que cela, reconnaît-il, presque un ennemi. L'ennemi , un des thèmes essentiels de l'oeuvre de Le Clézio. page  31
 
"La littérature est une fiction en vue d'autre chose " De plus grand, de plus beau, une marche vers l'humanité - et ce cheminement vers quelques chose de plus vaste, de dilaté, passe par la connaissance  du voyage.  page 33
"Je suis partout chez moi. " confie Le Clézio..;"Mes territoires, je les dévore, je  les mâche longuement et le jus coule dans ma gorge." page 33
 
L'homme doit se faire à l'idée que la terre n'est qu'un passage, qu'il n'est pas fait pour durer et qu'un jour viendra où l'univers sera vide de lui.  "En vérité, et cela , c'est la dure vérité qu'il faut se dire une bonne fois pour toutes, nous ne sommes rien. Rien n'est nous, rien n'est à nous. Nous ne sommes que des passages"  page 34
 
"C'est cela que disent les Indiens, et nous ne voulons pas les entendre: TOUT LE MONDE EST INTELLIGENT"
"Je cherche celui, celle dont le regard me révèlera à moi-même", avoue  Le Clézio dans L'Inconnu sur la terre. page 38
 
Expulsé  (de Thaïlande où il fait son service militaire - il  a dénoncé, dans les colonnes du Figaro,  la prostitution enfantine qui commence à se développer dans cette région du monde) il est envoyé au Mexique....Lors d'une de ses recherches, il tombe en arrêt devant les grands textes sacrés amérindiens...qui ne le quitteront plus et vont lui ouvrir les portes de ce qu'il appellera plus tard..."le rêve mexicain". page 42
 
"Depuis mon adolescence, jusqu'à la période  qui tourne autour des années 1960,  celles du Procès-Verbal, je vivais  cérébralement  et intellectuellement. J'éprouvais le besoin d'un choc physique. Dès ce moment-là,  dès que j'ai touché  ce monde-là,  cette société, à partir de cette   expérience, j'ai cessé d'être purement cérébral et intellectuel."  page 45
Les Indiens ont appris à Le Clézio, à ne plus craindre le temps, à lui faire confiance, à ne plus avoir peur de la mort, à ne plus rejeter le renouvellement des générations.  page 46
 
Il faut aller au sud  de Mexico...Une maison d'un bleu vif...Frida Kahlo y est née, y vécut jusqu'à son mariage avec Diego Rivera, et y resta jusqu'à la fin de ses jours....Je pense surtout  à la dernière toile qu'elle exécuta en 1954, peu avant sa mort: "Viva la Vida" Avec deux V majuscules. Frida , la bailarina avait raison. : "Pourquoi voudrais-je des pieds puisque j'ai des ailes pour voler? ".  Tout le Mexique est dans cette phrase. Ce qu'a bien compris Le Clézio qui, dans le livre qu'il consacre à  Frida Kahlo et à Diego Rivera Diego et Frida, voit dans cette indestructibilité  mythique une résurgence de la dualité mexicaine.: ...Deux- seigneur et deux- dame résident à  Omecihuad, lieu de la dualité
L'homme appartient à la terre et non le contraire. ...
Les images que nous ont laissées Frida et Diego - images d 'amour, de recherche de la vérité où le sentiment se mêle à la souffrance  - restent aussi fortes , aussi nécessaires  page 49
 
Lors de nos discussions, de nos conversations, Le Clézio n'a cessé de me le répéter : le microscopique l'émeut. ...pour envisager l'entier, il faut passer par le détail. Pour connaître l'infiniment grand, il faut connaître l'infiniment petit;: " A chaque fois que je m'installe quelque part,  je loue une maison. J'ai alors un endroit où acheter mon pain. J'ai des entiers, des habitudes, des amis.  page 57
 
Tordons le cou à une légende: Le Clézio  est tout sauf un tendre , un naïf, un rêveur, un utopiste. Quand il le faut, il sait frapper, dénoncer, il va jusqu'au bout de ses engagements, défend avec force ce qu'il croit juste: J.M. G. Le Clézio esrt un homme de combat. page 65
 
Le monde qu'il décrit peut donc  être violent.  Il suffit de partir de ces phrases extraites de La Fièvre , et écrites très précisément à Nice, le 23 octobre 1964: " si vous voulez vraiment le savoir,  j'aurais préféré ne jamais être né.....il faut subir les petites morsures de l'existence, en tâchant de ne pas trop souffrir. la vie est pleine de folies. Ce ne sont que de petites folies quotidiennes, mais elles sont terribles  si on les regarde bien." page 69
 
La beauté des femmes indiennes est lumineuse, dit-il dans Haï, développant sur plusieurs pages cette beauté qui ne vient pas de l'intérieur mais de toute la profondeur du corps, cette beauté qui est " sans  jamais chercher à se faire remarquer" , cette beauté qui, cessant d'être un spectacle, devient  " une activité, un mouvement, un désir". Dans Diego et Frida , Le Clézio fait remarquer que vont de pair l'idéal révolutionnaire , grandissant de Diego et son obsession de la jouissance, du désir, des formes du corps.  page 71
 
Le monde de Le Clézio n'est pas  le monde idyllique, béat que pensent certains. page 75
"Quand vous aurez tout pris sur terre, prenez - vous vous-même: enfermez-vous dans une seule chambre grise et froide , et visitez -vous, visitez- vous tout le temps."  C'est un axe de vie, une morale.  Le voyage en soi  est le moment principal d'une existence , le moment nécessaire er suffisant.  page 80
 
Par le langage, qui lui permet pourtant de penser le monde, l'homme s'est fait le plus solitaire de ses habitants: il s'est exclu du silence.  Or, Le Clézio ne cesse   de le répéter, c'est par le silence que l'homme parvient à la connaissance. page 86
 
Il y a chez lui, dans le fait même d'écrire, le désir de remonter l'arbre généalogique jusqu'à Maurice  et au-delà, en Bretagne.  Au - delà de l'échec de son grand-père qui finit par oublier les raisons pour lesquelles il entreprit son voyage; au-delà du bannissement imposé à cette famille sans terre; au-delà  du profond sentiment d'étrangeté qui imprègne tous les êtres de cette famille errante; au-delà  de cette volonté  d'appartenir à cette famille, Le Clézio ressent  très profondément en lui,  le besoin  d'une terre, d'une origine,  d'une patrie. page 94
Le Clézio veut retrouver la terre de ses ancêtres; cette chose qui est venue d'avant lui et  qui appelle son nom ...Sa maison familiale, enfin, qui est plus qu'une maison, un lieu mythique, chargée d'émotion, laquelle, aujourd'hui sauvée, restaurée, est  devenue un musée à la gloire u passé franco-mauricien. page 94
Le Clézio remonte le temps, en direction de ses ancêtres mauriciens, mais aussi vers l'ancêtre breton lequel, après avoir fui la conscription de l'armée révolutionnaire, qui demandait ,  à ses recrues , de  se faire couper les cheveux, prend un bateau pour les Indes et s'arrête en chemin à l'île Maurice.  page 97
 
"Quand j'écris, je parle de moi  dans la mesure où je parle d' événements qui ont été en relation directe avec ce qui  a été important pour moi. Les choses importantes sont plutôt cachées que montrées".  page 99
 
Et le jeune homme  niçois, devenu écrivain et Prix Nobel de littérature , de conclure: " Il est difficile d'écrire autrement que dans l'idée, qu'un jour, on disparaîtra , qu'on disparaîtra dans ce qu'on a écrit, et qu'il ne restera plus, d'une part, que ce qu'on a écrit, et de l'autre, que ce qu'on a écrit  sera tout à fait autre chose que ce qu'on a été. L'idéal pour un auteur, c'est de ne pas avoir de biographie". page 108
 
François Alexis Le Clézio, armateur de son état, est présent (à la bataille de Valmy en 1792)...François Alexis Le Clézio en rapporte, lui,  une vilaine blessure, mais plus encore, un destin. Né à Lorient, Alexis Le Clézio avait, comme tous les Bretons, le droit de conserver, même au sein des armées révolutionnaires, ses cheveux longs.  La bataille de Valmy leur retira ce privilège.  On raconte  que , refusant de porter  les cheveux courts, il eut quelques ennuis avec les autorités locales et dut quitter l'armée révolutionnaire. page 111
Sautons les siècles, Jean-Marie-Gustave Le Clézio est né durant la débâcle, à Nice, le 13 avril 1940. Six mois plus tard, il était en Bretagne. " Ma mère est descendue à Nice au moment de l'invasion allemande afin d'y chercher ses parents. Je suis né là par accident...." page 113
"La Bretagne est pour moi, un pays intérieur avant d'être une réalité....Finistère: terre sans fin. Voilà ce que je ressens ici, où tout finit mais surtout semble pouvoir commencer." page 115
 
François Le Clézio décide de partir pour les Indes , rejoindre son frère  qui y fait déjà du commerce. .. Départ, par temps brumeux, le 27 floréal an VII, arrivée un peu moins de quatre mois après, le 17 fructidor an VII. page 116
"Arrivé à Maurice, François Alexis fit du commerce et commença à gagner un peu d'argent"...page 120
 
C'est ici ( à Nice) que vit la famille Le Clézio. ..Le père n'est pas anglais mais britannique, il est le descendant direct de François Alexis, l'armateur de Valmy; la mère est française et parisienne. Ils sont cousins  germains, proviennent l'un et l'autre de la même origine mauricienne, et ont fait connaissance à Londres où le jeune homme poursuivait des études de médecine. page 124
 
Le rôle de mise au monde, c'est la grand-mère qui le joue. c'est elle qui invente des histoires, lit au jeune enfant les Contes drôlatiques de Balzac , et lui permet de feuilleter, chez elle, les  numéros du Journal des voyages où il découvre Bornou, Kano etc.....Ainsi, l'enfance de l'écrivain est-elle nourrie de "livres pour adultes". Il n'y avait  à sa disposition qu'un seul livre de lecture "pour enfants, La Joie de lire, pour ne pas le nommer...page 137
A côté de la grand-mère pourvoyeuse de rêves,  se trouve une autre source de bonheur et d'ouverture au monde: la bibliothèque. Enfant, Le Clézio  vécut  au contact de trois bibliothèques. "Deux bibliothèques provenaient de mon arrière grand-père mauricien, qui était un bibliophile....La troisième enfin, venue d'on  ne sait où, peut-être  du côté de ma grand-mère maternelle ...page 138
 
Le livre permet de se ramasser, de se concentrer, de réunir son être, mais aussi à l'inverse de se dilater, d'arpenter des territoires inconnus qui étaient en nous, mais que la lecture  a permis de mettre au jour, de faire naître. Lire, c'est se faire naître à soi-même, repousser ses propres murs, transformer sa piste personnelle en territoire plus vaste, repousser les frontières, transférer de  l'énergie..page 141
 
Si le vrai voyage, c'est sortir  de soi-même, être un autre,  ce voyage en Afrique ( pour rencontrer son père)  est bien celui qui permet au jeune J.M.G. de sortir  de lui-même.  page 155
C'est à cette époque, 1952,  celle du retour du père, que J.M.G. peut enfin faire ce qu'il appelle " la jonction" entre la mère, représentant le côté mauricien et picard de cette famille et  son  mari, porteur de toute la tradition mauricienne....Désormais, J.M.G. va être  élevé comme un jeune Mauricien.  L'ouverture sur le monde de l'écrivain naît aussi de cette singularité perpétuelle, de cette marginalité, de cette différence imposées dès l'enfance. page 161
 
Face à ce rapport à la pauvreté venu du père, et de plus loin que le père, J.M.G. Le Clézio reconnaît  qu'il a à la fois" la hantise et le dédain de ce qu'on appelle la dèche". ..Descendant d'une riche famille de gros propriétaires terriens, de l'Ile Maurice , donc,  dont une partie, acculée à la ruine, a dû quitter l'île...page 166
 
"J'ai toujours pensé que la littérature devait servir non pas à décrire, à comprendre ce qu'on voyait, mais à entrer en soi ce qu'on voyait." page 180
(J.M.G. est ado)  Déjà, il sait que  la vie le hante, que les gens le hantent. Qu'il est étonné d'être  au monde, et qu'il décide de tout regarder sans trop savoir le temps que cela durera. Il est curieux, curieux du monde et des gens, mais d'une curiosité différente de celle des autres. Il sait tellement qu'il est différent, lui le faux Anglais, le Mauricien par force, le Niçois malgré lui. page 194
A vingt-trois ans, J.M.G. Le Clézio devient lauréat du prix Renaudot, après avoir manqué le Goncourt d'une voix. page 210
 
(J.M.G. Le Clézio est envoyé comme coopérant au Mexique après son article sur la pédophilie en Thaïlande ) Il est nommé comme professeur de français à l'IFAL (Institut français d'Amérique latine, sa tenue vestimentaire  n'est pas "classique," le directeur de l'IFAL  l'envoie à la bibliothèque de l'Institut)  Le choc est total. le premier texte qu'il lit est celui qu'Antonin Artaud consacra aux Indiens Tarahumaras. "L'expérience d'Artaud au Mexique est l'expérience extrême de l'homme moderne qui découvre un peuple primitif et instinctif: la reconnaissance de la supériorité absolue du rite et de la magie sur l'art et la science"...Ce premier contact avec le Mexique est essentiel - la langue, les textes...la vérité des rites, des lamentations, les psalmodies...lui apprennent l'autre face des choses. pages 224, 225
"J'ai besoin d'être libre"- "Pourquoi?" - "Pour rien". page 228La véritable liberté, elle est dans le pays, dans le paysage, dans un pays où l'on vit dans le ciel, où l'âme des hommes est sans limites. page 229
Donc entre 1970 et 1974, J.M.G. Le Clézio va partager la vie des Emberas et de leurs cousins germains, les Waunanas..." Ce fut un choc physique énorme. C'était tellement difficile. Il faisait chaud. Il fallait parcourir de longues distances à pied. Il fallait s'endurcir. Il fallait avoir les mains calleuses pour tenir la palanque et la perche. Moi, qui n'avais pas la plante des pieds  assez dure pour marcher sur les sites qui tapissent le fond des rivières, j'étais obligé de porter de chaussures et le sable qui glisse entre la semelle et la peau devient comme papier de verre;;;" page 231
 
Notre société se protège, dresse des murailles, ferme des portes; ce que  ne font jamais les Indiens qui ignorent les cloisons: "les murs chez eux, en effet, n' existent pas, les frontières n'existent pas. ..La propriété n'existe pas, si ce n'est dans le sens que la terre vous apporte des fruits; c'est le produit de la terre qui vous appartient et non la terre elle - même." page 238
 
(Le Monde en 1978) "Surprenant Le Clézio qu'il faut ranger de plus en plus parmi les écrivains mystiques d'aujourd'hui." Il entre au comité  de lecture des éditions Gallimard et reçoit en 1980, le Grand Prix Paul- Morand ...page 244
 
J.M.G. Le Clézio est-il vraiment un voyageur? Après l'Afrique, après l'Angleterre chaque année, la Bretagne, Nice et ses livres, il y a donc ces années passées dans la forêt du Darién panaméen.. ...Comment procède-t-il pour s'installer? Toujours de la même façon: J.M.G. Le Clézio débarque avec  ses malles, loue une maison. Finit petit à petit, par y avoir ses sentiers,  ses habitudes, ses amis, la boutique où on achète le pain, l'épicerie, etc.." ça devient peu à peu chez moi. J'apprends à connaître la langue, puis les voisins, puis les problèmes, puis les défauts...J.M.G. Le Clézio n'est donc pas un  voyageur au sens où on l'entend habituellement. Plutôt un homme qui cherche sa place dans l'univers, un être humain qui essaie d'apprendre à vivre en être humain, un  passeur qui se déplace sur les sentiers e la terre comme il se déplacerait en lui-même. page 253
 
Lorsqu'il parle des Indiens ne se réfère-t-il jamais à un âge d'or? Chez les Indiens aussi, nous dit-il, il y a des viols et des crimes. Comme partout, les femmes sont battues. On trouve dans ce là-bas, les mêmes vices et les mêmes crimes. page 254
 
...la littérature, ce n'est pas s'arrêter et regarder avec attention mais plutôt apporter une description précise d'un point du corps, d'un point de soi-même, être dans une sorte d'incantation, de mouvement ondulatoire accomplis dans le but de survivre... Et la littérature est évidemment de l'ordre de la respiration.  page 267
La découverte du désert s'est faite par paliers. Récits du père, récits de Charles de Foucauld, court voyage au Maroc, encore sous protectorat français, lectures.....J'étais attiré par ce que  les autres m'avaient dit du désert. page 269
Les hommes du désert...J.M.G. Le Clézio les a rencontrés, lui qui dit ne pas être un errant, car l'errant n'a pas de but, mais un nomade. page 275
"Nous ne sommes pas sur terre nécessairement pour croître et multiplier, et laisser un héritage. Notre rôle consiste  peut-être simplement à ne  pas abîmer le milieu dans lequel nous vivons, afin que nos enfants en héritent, tel qu'il est; ou à transmettre cette idée simple, que les relations entre les différents membres d'un groupe ou d'une famille sont beaucoup plus importants que les progrès techniques qu'on pourrait apporter à ce groupe ou à cette famille. " page 275
 
Pourquoi J.M.G. Le Clézio écrit-il? Pour sortir de lui-même, pour se découvrir, pour essayer dese comprendre? Les réponses sont multiples. Page 278
L'image de la femme est, chez Le Clézio,  double. Il y a les femmes idylliques, belles qui se baignent, font l'amour dans la joie, et les autres, qui subissent des sévices, sont martyrisées, se font violer. " C'est sans doute arbitraire d'affirmer cela, mais il me semble qu'on a vécu une société très masculine, virilisante, en Europe occidentale, du moins. Particulièrement le XIXè siècle qui a été, je trouve, le siècle viril par excellence. page 288
Effectivement, j'ai rencontré des femmes dont j'ai fait les portraits à répétition dans certains de mes livres qui étaient intermédiaires entre deux mondes: un monde archaïque et un monde moderne; ou entre le monde de la ville  et le monde rural; ou entre le monde des serviteurs  et celui des maîtres. page293
Le seul enfantement possible, c'est celui que l'on fait  de soi-même. page 295
 
Il y a tout un art de la marche chez Le Clézio. Dans La Fièvre il écrit: " on peut perdre l'essentiel d'une  vie à marcher sans être pour autant un homme qui marche". Car la marche exige une pensée , un savoir, et plus encore, une orientation. la marche ne s'effectue pas en direction de la ville mais plutôt à partir  d'elle. Fuir la vile, c'est déjà entreprendre un bout de marche....
On marche pour se connaître; on marche pour se trouver; on marche pour observer....pages 300, 301

Dans La Fête chantée, Le Clézio écrit: " Nous le savons: la terre n'appartient pas à l'homme, c'est l'homme qui appartient à la terre. C'est ainsi, dans cette pensée, que l'homme pourra peut-être sauver les matins du monde.
Ne l'oublions pas, Le Clézio a conscience  de marcher sur un tapis de poudre d'os, de couches succcessives déposées par nos prédécesseurs, nos fabricants d'origine. Page 311
Le livre libère, fait sortir de soi, pousse à aller ailleurs. page 313
 
Je suis né à Nice, élevé à la française, c'est incompréhensible. On m'a inoculé Maurice. Mon grand-père n'arrêtait pas de me parler de tout cela, ma mère aussi, mes oncles, mes tantes,  tous mauriciens. On se référait  sans cesse  à cela comme à un âge d'or, de passé mythique, d'endroit forcément merveilleux.. page 317
 
Le Clézio défendit longtemps la thèse du bannissement ( de Maurice) jusqu'à ce qu'un membre ayant hérité de ce passé étrange lui assure qu'il n'en était rien, que cela avait été, au contraire, un choix, qu'il y avait eu une vente, que le marché s'était conclu par une belle somme d'argent, autrement dit, laissait supposer l'interlocuteur, c'était du côté de mon grand-père qu'avaient eu lieu si ce n'est des malversations, du moins des erreurs.  page 324
Sans doute, le savait-il lui aussi, François Alexis: nous ne sommes rien, rien n'est à nous. Nous ne sommes que des passages. Rien n 'est fait pour durer. Le  petit drame de l'existence ne  compte pas, tout comme celui de l'accomplissement. page 331
 
Un jour, le désir  est entré chez un homme , appelé J.M.G. Le Clézio, de retourner là-bas, chez lui,  dan s son île, à Maurice, et ne l'a plus jamais quitté. Alors, s'est installée en lui, come ça,  et tout à coup enflé: celle d'un voyage perpétuel qui serait un voyage de mots. page 333
 

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