vendredi, juillet 19, 2013

DANS L'EMPIRE DES TENEBRES ( Liao Yiwu)

Livre de 660 pages . J'ai eu des difficultés à poursuivre la lecture et finalement, j'ai fermé le livre assez vite. Pour moi, il y a des longueurs, les  chapîtres  racontent sa vie en cellule, les traitements subis par les gardes et ses collègues, les détails sont parfois insupportables par leur cruauté, leur crudité aussi  ... C'est un récit  sur ses quatre années en prison après avoir publié le poème Massacre à l'aube du jour où l'armée ouvrit le feu sur les étudiants de la  Place Tian'anmen au printemps 1989 à Pékin .
Liao Yiwu , prix Nobel de littérature 2009, est né en 1958
 dans le Sichuan. Son père a été condamné lors de la révolution culturelle en 1966. Marqué par la lecture de Keats et de Baudelaire,, par l'œuvre de Ginsberg et les chants de Bob Dylan,il est devenu dans les années 1980 l'un des poètes remarqués de l'avant-garde chinoise. La tragédie du 4 juin 1989, Place Tian'Anmen , l'a fait basculer dans la dissidence. Libéré en 1994, après ses quatre années de prison, il a vécu comme un marginal, poète, musicien, chanteur et écrivain. Ses livres publiés à Hong Kong, à Taïwan, ou aux Etats-Unis sont interdits en Chine, mais il est l'un des écrivains chinois les plus lus clandestinement. Menacé d'un nouvel emprisonnement, Liao Yiwu s'est enfui en 2011. Il vit aujourd'hui en Allemagne et  a reçu en 2012, le prix pour la Paix des libraires allemands.
"Au moment où j'écris , je vis toujours dans cette porcherie qu'est la Chine et je me languis de pouvoir nettoyer mon âme en profondeur." L'auteur de ces lignes , Liao Yiwu, signe le récit de quatre années d'enfer dans les prisons chinoises. Sa faute: avoir écrit le poème Massacre à l'aube du jour où l'armée ouvrit le feu sur les étudiants de la Place Tian'anmen. " En prison, j'ai connu le vrai visage de la Chine". Le visage des truands et des marginaux, des victimes et des bourreaux, des condamnés à mort que l'on vide de leur sang avant de les exécuter. Texte poignant, brutal, comique, lyrique, effrayant, plein de compassion, enraciné dans les espérances démocratiques martyrisées du printemps 1989. Dans l'empire des ténèbres bouleverse notre regard sur la Chine. C'est pourquoi Pékin a tout fait pour empêcher sa parution, volant à l'auteur ses manuscrits, jusqu'à ce qu'il choisisse l'exil en 2011."

Moi, je suis venu au monde durant une terrible famine qui a coûté la vie à une trentaine de millions de gens à travers le pays , de 1959 à 1962. Mon père me racontait , comment à l'âge d'un an, que mon petit corps était bouffi  de malnutrition. Un médecin traditionnel de Niushikou , non loin de Chengdu, recommanda à mes parents de me tenir au-dessus d'une marmite pleine d'un infusion bouillante, tous les matins et tous les soirs. la vapeur parvint à extraire un liquide jaunâtre de mon corps, goutte après goutte. Grâce à ce docteur, je survécus.  La faim a hanté toute mon enfance. Elle a entravé ma croissance et handicapé mon développement cognitif. pages 27, 28

Il était presque midi quand je me réveillai le lendemain. (printemps 1989). Axia (son épouse) me dit que les étudiants avaient pris la préfecture (de Fuling)...Les vestiges de la révolution tracts, banderoles déchirées, bouts de papier s'envolaient dans la poussière.  Les grilles d'entrée des bâtiments de la préfecture, hautes de cinq mètres, était fermée. page 41

Une étudiante lançait des slogans: "-A bas les fonctionnaires affairistes" ! "Sanctionnons la corruption! " " Aimer son pays n'est pas un crime!" page 43

La contestation étudiante devint le seul sujet  de conversation, et dans les unités de travail, on discutait sans cesse. On ne regardait plus la télé chez soi mais chez les collègues, on s'invitait à n'importe quelle heure...page 47

Le 3 juin..."Plusieurs  régiments de l'armée sont déjà entrés dans la ville et avancent avec force;  c'en est fini de Tian'Anmen"- "Tais-toi." je me bouchai les oreilles. "Mais les étudiants ne pensent pas qu'ils vont ouvrir le feu, ils croient qu'au pire, ils tireront des balles en caoutchouc"  page 57

A la nuit tombée, trempé de sueur, j'avais terminé le poème Massacre sur le papier, soit huit heures avant que le massacre réel ne se produise...J'entrai dans la bibliothèque quand je vis Michaël (un ami Anglais) torse nu sur le balcon, faisant de grands gestes ...: "Ils ont ouvert le feu! cria-t-il.- Où ça? " Je penchai la tête pour voir..."Ce n'est pas un  bon signe,, murmura Michaël . A Pékin, l'armée est déjà là. pages 59,60

En ouvrant la télévision, je tombai sur les deux meilleurs présentateurs de la télévision du gouvernement central...Habillés de noir, ils donnaient lecture, d'un ton lugubre, de" l'ordre impérial" qui avait été lancé de réprimer fermement les révoltes contre-révolutionnaires...Je proclamai en mandarin : "je m'insurge" Je montai sur scène  ..."Le grand massacre commence par le coeur de Pékin, Quand le premier ministre s'enrhume, le peuple tousse... les premiers vers du poème Massacre.Pages 63, 64, 65

Le 4 juin, je sortis avec Michaël pour poster une lettre. Dans les rues, l'armée patrouillait,  et les habitants étaient terrés chez eux...Les deux semaines qui suivirent furent un cauchemar. page s68, 69

...entre Pékin et la province, il y avait de la distance et la distance  dans le temps et dans l'espace dilue  les traces de sang. Mais moi, finalement, j'avais crié lors de cette nuit sanglante. j'avais été terrorisé aussi, mais j'avais crié ma terreur durant cette nuit. Dans la Chine entière, avoir été le seul poète si téméraire , quelle illusion grandiose:  page 79

En plein  été , la cassette  de Massacre avec moi, j'ai traversé cette tombe gigantesque et silencieuse qu'était alors la Chine. Je ne savais pas  qu'une corde  était déjà  en train de se serrer  lentement autour de mon cou. page 89

Les chenilles du char...Nous étions avec une dizaine  d'étudiantes, toutes très bien habillées. Nous avons suivi un  groupe qui revenait de la Place Tian'Anmen et je ne sais pas comment ça s'est fait, mais nous nous sommes séparées. J'ai vu que l'avenue était noire de casques, comme un fleuve sombre. Puis, il y a eu les tirs des fusils, et les chars qui se sont rués vers nous. Tout le mondes 'est mis à fuir de tous côtés. J'ai couru en direction d'une ruelle mais un  char était sur le point de me rattraper. J'ai sauté sur le trottoir et me suis cachée derrière un arbre. Le char  a foncé dans un mur qu'il a renversé. Il a reculé et a tourné comme une toupie en créant un tourbillon. Nana  et Maohui avaient été écrasées, elles étaient prises dans le métal des chenilles...J'ai été hospitalisée dans deux  hôpitaux successifs... Les journaux,, la télé, mes amis  à l'hôpital disent qu'il n'y a pas eu de morts  ce soir-là. Au début, j'étais furieuse et je protestais, puis, je m'y suis habituée. Finalement, j'ai dû admettre devant tout le monde que ce que j'avais dit était faux et que je ne voulais pas répandre  de fausses rumeurs.  pages 95, 96
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