vendredi, juillet 06, 2007

CONSTRUIRE UN FEU (Jack London) Actes Sud

(A peine 40 pages)
"Il remit hâtivement sa moufle et se leva. Il avait un peu peur. Il battit des pieds jusqu'à ce que la sensation de piqûre y revienne. C'est sûr qu'il fait froid... Pas d'erreur, il faisait froid. Il continua d'aller et venir, en tapant des pieds et en battant les bras, jusqu'à ce que la chaleur recouvrée le rassure. Alors, il sortit ses allumettes et entreprit de faire un feu. Il trouva du combustible dans le sous-bois, où les crues du dernier printemps avaient entassé une provision de branches mortes. En commençant petitement, il obtint bientôt un brasier ronflant devant lequel il fit fondre la glace de son visage et sous la protection duquel il mangea ses biscuits. Pour le moment, le froid de l'espace était vaincu. Satisfait du feu, le chien s'était étendu assez près pour profiter de sa chaleur, assez loin pour éviter d'avoir le poil roussi. Quand l'homme eut fini, il bourra sa pipe et s'accorda le temps de la fumer à l'aise. Puis, il remit ses moufles, appliqua fermement sur ses oreilles, les rabats de sa casquette et s'engagea sur la piste qui longeait la branche gauche du ruisseau. Le chien, déçu, regardait le feu avec regret. Cet homme ne savait rien du froid. Peut-être toutes les générations de ses ancêtres avaient-elles été ignorantes du froid, du vrai froid, d'un froid de cent sept degrés au-dessous du point de gel. Mais le chien savait. Toute son ascendance savait, et il avait hérité de ce savoir. Il savait qu'il n'était pas bon de se trouver dehors par un froid aussi terrible. C'était le moment de se blottir au fond d'un trou dans la neige et d'attendre qu'un rideau de nuages se déploie devant l'espace infini d'où venait ce froid. D'autre part, il n'existait aucune intimité entre le chien et l'homme. L'un était l'esclave de l'autre, et les seules caresses qu'il eût jamais reçues, étaient celles du fouet...Le chien ne fit donc aucun effort pour communiquer à l'homme son inquiétude. Il ne se souciait pas du bien-être de l'homme; c'était pour son propre bien qu'il regrettait le feu. mais l'homme siffla et fit parler le fouet, et le chien revint se mettre sur ses talons et le suivit. pages 19 et 20
...C'était surprenant la vitesse à laquelle ses joues et son nez gelaient. Et il n'aurait jamais cru que ses doigts pourraient se raidir en si peu de temps. Raides, ils l' étaient, car il pouvait à peine les rapprocher pour saisir un morceau de bois et ils lui paraissaient étranges à son corps, à lui-même. Quand il touchait un bâton, il lui fallait regarder pour voir si oui ou non, il le tenait. Le courant ne passait plus entre lui et le bout de ses doigts. Tout cela comptait peu. Le feu était là, craquant et crépitant, promettant la vie avec chacune de ses flammes dansantes. ...Il n'aurait jamais dû construire son feu sous un sapin.........Tout en haut de l'arbre, une branche déversa son chargement de neige...Et le feu fut anéanti! Là où il avait brûlé, gisait en désordre une cape de neige. L'homme était bouleversé. Il lui semblait qu'il venait de s'entendre condamner à mort. Il demeura un moment assis, les yeux fixés sur l'endroit où s'était trouvé le feu. Et puis, il devint calme. Si seulement il avait eu un compagnon de piste, il ne serait pas en danger maintenant. Son compagnon aurait construit le feu. Eh bien, c'était à lui de le reconstruire, et cette seconde fois, il ne pouvait plus échouer....Il prit son paquet d'allumettes soufrées. mais le terrible froid avait déjà chassé toute vie de ses doigts. Dans l'effort qu'il fit pour séparer une allumette des autres, le paquet entier tomba dans la neige. Il essaya de l'y ramasser, mais n'y parvint pas. Les doigts morts ne pouvaient ni toucher, ni saisir . pages 27,28

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